Immobilier. Bourses. Devises... Tout grimpe en Asie. Et vite. Or, cette poussée n'est pas étrangère à la vague d'investissements étrangers qui déferle sur la région. Mais attention au ressac!

Selon des médias européens, l'émission de télé la plus «hot» en Chine ces jours-ci est un feuilleton pimenté d'histoires de sexe, d'argent et de corruption. Rien de neuf au petit écran chinois, dira-t-on.

Sauf que La maison escargot - traduction littérale du nom de ce tube télévisuel - est ancrée dans une nouvelle réalité qui touche des millions de Chinois: on y raconte les péripéties de deux soeurs, qui utilisent tous les moyens pour s'acheter une maison dans ce pays où 85% des gens n'ont pas les moyens de s'offrir un toit à cause d'une bulle immobilière sans précédent.

Or, cette émission très populaire touche une corde trop sensible au goût du gouvernement. Si bien que, juste avant Noël, les autorités chinoises l'ont retirée des ondes. Faisant fi de la censure, la télésérie continue cependant d'être vue et revue sur le web par des millions de Chinois, qui s'identifient aux deux femmes en mal d'un logis.

Dans la vraie vie, la flambée de l'immobilier en Chine est bien réelle: le prix d'un logement à Hong Kong, par exemple, a bondi en moyenne de 27% l'an dernier.

Les causes de ce fléau sont pour la plupart bien connues: économie en forte croissance, migration massive vers les villes et crédit bon marché.

Or, on réalise maintenant que les étrangers contribuent aussi grandement à la flambée des actifs asiatiques, incluant l'immobilier, les titres boursiers et même les devises.

250 milliards

Selon une étude de la banque japonaise Nomura Holdings, la région asiatique a bénéficié d'un flux «net» de capitaux (les entrées moins les sorties) d'environ 250 milliards de dollars aux deuxième et troisième trimestres de 2009.

Cela constitue tout un revirement. Durant les neuf mois précédents, soit en pleine crise financière déclenchée par la faillite de Lehman Brothers, les spéculateurs de la planète ont fui l'Asie, retirant quelque 270 milliards de la région.

Pour sa part, Nomura s'inquiète de ce vif regain d'intérêt des étrangers, qui prend de l'ampleur. La banque nipponne prévoit même qu'«un tsunami» de capitaux va déferler sur la région au cours des prochains mois.

D'ailleurs, cette déferlante inonde déjà une partie de l'empire du Milieu.

Les investissements directs étrangers (IDE) en Chine, qui servent directement à l'acquisition ou à une prise de participation dans une entreprise, ont bondi de 32% en glissement annuel en novembre (à plus de 7 milliards US), disait la semaine dernière le ministère du Commerce.

Cela confirme le rebond spectaculaire des IDE, qui avaient diminué de 13% durant les 10 premiers mois précédents.

Le retour en force des investisseurs en Asie propulse aussi les devises de la région, selon des cambistes cités par Bloomberg. Le won sud-coréen et le peso philippin, par exemple, ont atteint la semaine dernière un sommet en 15 mois par rapport au billet vert américain, ajoutant aux gains respectifs de 8,2% et 3% de ces monnaies en 2009.

Gare au ressac

Dans ce tourbillon de fric, les marchés boursiers ont évidemment le vent en poupe. L'indice MSCI de l'Asie-Pacifique (excluant le Japon) a grimpé de près de 65% l'an dernier.

Et, de toute évidence, beaucoup de gens veulent en profiter. Les fonds communs en actions des sociétés basées dans les pays émergents ont reçu des investissements nets de 82 milliards US en 2009, selon la société EPFR Global. Une bonne partie de cet argent est allée dans les fonds asiatiques à la toute fin de l'année.

Toutefois, cette ruée vers l'Est ne plaît guère à Nomura, qui recommande à ses clients internationaux de réduire leurs investissements dans la région asiatique.

Des experts craignent que, pour diverses raisons, les étrangers reprennent soudainement leurs billes un bon matin. Avec les conséquences que l'on peut facilement imaginer.

Durant la période des Fêtes, un membre influent de la banque centrale chinoise, Fan Hang, a sonné l'alarme, déplorant l'entrée massive «d'investissements spéculatifs» (ou «hot money») dans son pays. Ces capitaux instables, dit-il, accentuent la volatilité des marchés boursiers et même la spéculation immobilière.

Entre-temps, le «tsunami» d'argent étranger grossit et enrichit beaucoup de monde en Asie. Cela pourrait durer un certain temps encore. Mais attention au ressac. Comme dit le vieil adage financier, rien n'est plus nerveux qu'un milliard de dollars.