Les partis de l'opposition et les commentateurs ont décrié la décision du gouvernement de Stephen Harper de proroger la session parlementaire pour reprendre les travaux des chambres dans deux mois. «Immense cynisme», «mépris pour la démocratie», «tactique immorale», c'était à qui trouverait les mots les plus forts pour dénoncer le geste du premier ministre.

La motivation du gouvernement conservateur est évidente: malmené aux Communes depuis plusieurs semaines, il a voulu mettre le couvercle sur la marmite. La prorogation met un terme à la session, c'est-à-dire que non seulement il n'y a plus de période de questions, mais que les travaux des comités sont également interrompus. Ainsi, finis les témoignages embarrassants sur les mauvais traitements infligés aux détenus afghans.

 

Pour autant, la prorogation de la session fait-elle de M. Harper un dictateur? Sonne-t-elle le glas de la démocratie parlementaire au Canada? Respirons par le nez. Sous Stephen Harper, la Chambre des communes a siégé autant de jours que sous les gouvernements libéraux précédents. Faisant abstraction des années électorales, les députés ont été au travail en moyenne 123 jours par année sous les conservateurs de M. Harper. Lors du dernier mandat de Jean Chrétien, en 2001, 2002 et 2003, la Chambre avait siégé en moyenne 122 jours par an. Lors du mandat précédent, la moyenne annuelle était de 120 jours.

Stephen Harper est arrogant? Oui. Partisan? À l'excès. Ce n'est pas une raison pour décrire la prorogation comme s'il s'agissait d'un coup d'État.

Les commentateurs se sont montrés déçus de l'apathie de la population. Selon un sondage Harris-Decima réalisé deux semaines avant l'annonce du gouvernement, 46% des Canadiens se disaient indifférents à une éventuelle prorogation.

Comment expliquer une telle attitude? Par le mauvais usage que les députés, tous partis confondus, font du Parlement depuis de nombreuses années. Pendant la période de questions, ils crient et s'insultent sans arrêt; leur comportement est tout simplement disgracieux. L'efficacité des travaux des comités est minée par la même partisanerie débridée.

Les députés ont fait du Parlement un cirque. Aussi leur crédibilité est-elle nulle lorsque, le trémolo dans la voix, ils se portent à la défense de l'institution.

En 2010, en raison de la prorogation, les Communes siégeront une vingtaine de jours de moins que les 136 jours prévus au calendrier. Le mal n'est pas si grand: contrairement à ce qui était le cas autrefois, les partis de l'opposition ne seront pas privés de tribunes. Ils continueront d'avoir accès aux médias, de RDI et LCN à Tout le monde en parle.

Il restera amplement de temps aux députés d'ici la fin de l'année - plus de 110 jours - pour montrer qu'ils peuvent faire leur travail à la Chambre sérieusement. On verra alors si leur respect pour la démocratie parlementaire est autre chose que du théâtre.

apratte@lapresse.ca