Les prix des denrées alimentaires sont de nouveau à la hausse, soit un peu plus d'un an après la crise qui a secoué le monde à l'été 2008. Selon les experts, les conditions sont une fois de plus réunies pour une autre flambée des cours.

La collecte décevante des banques alimentaires de Montréal, pour la période de Fêtes, a exposé l'une de nos fâcheuses habitudes, soit d'oublier que beaucoup de gens n'ont pas les moyens de se nourrir correctement.

Pourtant, le coût élevé des aliments est un problème qui prend de l'ampleur et qui risque d'affecter de plus en plus de personnes en 2010.

Des indicateurs laissent croire en effet que se nourrir coûtera de plus en plus cher, à mesure que la reprise économique prendra son élan.

De concert avec les grandes économies, les prix mondiaux des denrées alimentaires ont déjà repris leur mouvement ascendant, selon l'indice des prix alimentaires de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Cet indice, basé sur un panier international de céréales, de produits laitiers, de viande et de sucre notamment, vient d'enregistrer quatre hausses mensuelles d'affilée. L'indice a atteint en moyenne 168 points le mois dernier, un sommet depuis septembre 2008.

Pour le moment, il reste inférieur de 21% au pic atteint en juin 2008, soit lors de la flambée dramatique des prix qui avait provoqué des émeutes dans plusieurs pays, de l'Afrique jusqu'en Asie.

Mais l'indice FAO demeure élevé. Avant l'envolée des prix en 2007-2008, il n'avait jamais dépassé 120 points. Même les cours des «aliments du petit-déjeuner» - comme le cacao, le sucre et le thé - flirtent avec des records ces temps-ci.

Trop peu

Pourquoi cette remontée? Parce qu'on n'en fait pas assez pour éviter une autre crise alimentaire, a déclaré le directeur du FAO, Jacques Diouf, lors du dernier Sommet mondial de la sécurité alimentaire, qui a eu lieu dans la quasi-indifférence à Rome, le mois dernier.

Certes, les prix avaient beaucoup diminué durant la première moitié de 2009. Cela s'explique par les bonnes récoltes des deux années passées qui ont laissé un surplus mondial de céréales. De plus, la crise financière aura au moins eu comme effet positif de freiner les spéculateurs, qui misaient des milliards sur les marchés de denrées alimentaires.

Or, les ingrédients de la crise de 2008 sont toujours sur la table: investissements insuffisants des États et du secteur privé en agriculture; demande en forte hausse en Asie; rebond des prix du pétrole; utilisation des céréales et de certains aliments pour la production de biocarburants.

Durant la dernière crise, des sources inflationnistes nouvelles sont apparues, notamment les restrictions gouvernementales sur les exportations d'aliments, la faiblesse du dollar américain et l'appétit croissant des fonds spéculatifs pour les terres arables. Ces phénomènes sont, pour la plupart, toujours présents.

Ernesto Liboreiro, directeur de l'Institut pour les négociations agricoles internationales, a noté récemment que le redressement économique ira de pair avec des prix céréaliers en hausse d'ici la mi-2011, possiblement au-delà des records atteints l'an dernier.

Et le problème n'est pas uniquement une affaire de conjoncture. Dans une étude, l'économiste Jeffrey Currie, de la firme Goldman Sachs, affirme que l'agriculture mondiale fonctionne au maximum de sa capacité, tandis que le secteur industriel évolue dans une fourchette de 60 à 70%. Autrement dit, le monde agricole ne peut en donner plus avec ses moyens actuels, ce qui milite encore pour une remontée des prix.

Investir plus

Une nouvelle crise alimentaire est-elle donc inévitable pour les plus démunis?

La réponse est non. En fournissant une aide publique au développement de 44 milliards US par an, selon la FAO, le problème pourrait être résolu. Mais les efforts actuels ne dépassent pas les 8 milliards US.

Outre l'argent supplémentaire, l'International Food Policy Research Institute, de Washington, dresse une liste des conditions du succès: intensifier l'aide alimentaire (reléguée à 3,8% de l'aide au développement contre 17% en 1980); réorienter les cultures hors des grandes céréales (blé, maïs); mieux intégrer l'agriculture et l'environnement; et limiter la volatilité de cours par des mécanismes de réserves.

Bref, il faut réinventer l'agriculture. Les experts nous préviennent: le nombre de personnes souffrant de la faim est reparti à la hausse. Pour nourrir les 9 milliards d'individus que comptera la planète en 2050, il faudra doubler la production. Et pour cela, il faut mettre en place un nouveau modèle agricole mondial.