La bonne performance pendant la récession du Québec, qui a mieux traversé la tourmente que la grande majorité des économies industrialisées, peut avoir des conséquences fâcheuses pour la suite des choses.

Ce succès relatif peut en effet laisser croire aux Québécois que l'économie québécoise a des vertus uniques ou une vigueur exceptionnelle. Ce n'est pas le cas. Ou encore renforcer le sentiment que l'économie québécoise est dans une bulle qui lui permet d'échapper aux grands bouleversements qui ébranlent la planète. Ce n'est pas non plus le cas.

 

Les prévisions économiques pour 2010, notamment les boules de cristal de La Presse, publiées il y a 10 jours, montrent que si la récession a été moins forte au Québec, la reprise sera par contre moins dynamique.

Mais il y a plus. Pendant la récession, notre attention a été accaparée par des enjeux de nature conjoncturelle - l'ampleur de la récession, sa durée, le moment du retournement, la vigueur de la reprise.

Le moment est venu de nous rappeler que les problèmes que nous avions avant la récession - et que nous avons mis en veilleuse depuis un an - sont toujours là, et qu'ils sont probablement plus graves qu'avant, parce que nous avons été fragilisés. C'est le cas des finances publiques.

C'est également vrai d'un enjeu qui retient moins l'attention, la productivité. On n'en a pas beaucoup parlé en 2009, et c'est bien naturel, parce qu'on pensait plus à sauver les emplois. Mais la productivité jouera un rôle central dans les années à venir, parce que c'est elle qui permettra de créer de la richesse et de retrouver la prospérité, et c'est elle qui nous aidera à mieux résister aux chocs de la concurrence et de la mondialisation.

La Fédération des chambres de commerce a ramené cette réflexion sur le tapis la semaine dernière en publiant ses indicateurs 2009, qui permettent de mesurer les progrès de l'économie québécoise. Un bilan où s'allumaient plusieurs voyants rouges. Et notamment le fait que la productivité du travail, après deux ans de progrès, a baissé en 2008, et que l'écart de productivité avec le Canada a donc commencé à s'élargir, pour se situer à 6,8%.

Ce n'est pas bon signe. Et cela amène la FCCQ et sa présidente Françoise Bertrand, à insister sur l'importance des éléments qui peuvent contribuer à soutenir la croissance de la productivité, comme l'éducation, l'innovation. Mais aussi l'investissement en machines et en matériel, qui a tendance à faire du surplace.

Il faut dire que parfois, le hasard fait bien les choses. Le même jour, jeudi dernier, le ministre des Finances, Raymond Bachand, annonçait de gros changements aux programmes d'aide fiscale aux régions ressources et aux crédits d'impôt pour l'investissement, dont le but est de poursuivre le changement de régime annoncé dans l'avant-dernier budget tout en minimisant l'impact de la transition pour les entreprises des régions.

Toute la logique de ce changement, mal accueilli dans certaines régions et dénoncé par l'opposition péquiste, est inspirée par le Groupe de travail sur l'investissement, présidé par Pierre Fortin. Elle consiste à mettre fin aux effets pervers des régimes d'aide classiques qui subventionnaient l'emploi. En apparence généreux, ces programmes pouvaient nuire aux régions en encourageant les entreprises à embaucher au rabais plutôt qu'à investir. Avec pour résultat que l'aide contribuait à réduire la compétitivité des régions.

Ce qu'annonçait M. Bachand la semaine dernière, ce sont des mesures qui soutiennent l'investissement, et donc la productivité. Un profond changement de culture pour une société où les politiques économiques s'exprimaient en termes d'emploi. Évidemment, ce n'est pas le genre d'intervention qui fait les manchettes. Mais c'est le genre de petits gestes qui finissent par faire la différence.