La neuvième Grande guignolée des médias a lieu dans tout le Québec, aujourd'hui, y compris aux portes des édifices de La Presse dans le Vieux-Montréal. C'est une formule qui, au fil des ans, s'est avérée gagnante. Douze millions de dollars ont été amassés à ce jour, dont 2,5 millions uniquement l'an dernier, en plus de denrées diverses en grande quantité.

Personne n'est contre le bien. De sorte qu'on pourrait croire qu'un tel événement est au-dessus de toute critique. Or, il ne l'est pas. Diachylon de la charité à grand spectacle sur la jambe de bois d'une pauvreté que la sphère politique néglige; porte ouverte à l'hypocrisie du bienfaiteur qui fait du bien surtout à lui-même... Peut-être rien de cela n'est-il totalement faux.

 

Mais, essentiellement, ce n'est pas vrai non plus.

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Au Québec, l'État consacre des efforts et des capitaux considérables à amortir les effets de la pauvreté.

Son intervention en cette matière est égale, ou à tout le moins comparable, à celle des États européens auxquels on associe l'image de la social-démocratie. Contrairement à ce que véhicule la légende urbaine, cette contribution étatique n'a pas diminué dans un passé récent. Et il est douteux qu'elle le fasse dans un avenir proche.

On peut débattre à l'infini de la question de savoir si l'État doit faire davantage en termes d'assistance économique à court terme. Ou s'il doit plutôt consentir des efforts destinés à soutenir à long terme une éducation de qualité - la pauvreté n'est pas qu'une affaire d'argent, en effet - ainsi qu'une économie souple et inventive. Ou s'il doit faire les deux. Au choix du client.

De même, on peut fouiller de façon spéléologique l'âme des donateurs afin de déterminer quelle quantité exacte de pur altruisme habite leur inconscient profond et inexploré... Peut-être sera-t-il intéressant d'entreprendre un jour une telle recherche.

Entre-temps, il faut rappeler que le geste de donner est avant tout un acte social dont la valeur dépasse de loin celle du don lui-même. Certes, on évitera d'évoquer la charité, jadis une noble vertu, aujourd'hui une maladie honteuse dont ne parlent jamais les gens comme il faut. Néanmoins, le souci du prochain défini par le mot existe bel et bien, depuis toujours, chez la plupart des gens. Il les lie à la communauté des humains - ça fonctionne aussi chez qui reçoit. Il réchauffe. Il anoblit.

«Guignolez» donc, aujourd'hui. Ça ne peut pas faire de mal.