La célébrité est une drôle de bête. Certains veulent l'apprivoiser coûte que coûte... en lançant (faussement) un bambin en ballon dans le ciel du Colorado; en défiant les services secrets de la Maison-Blanche; ou en étalant ses tripes sur le plateau d'une téléréalité. D'autres, qui ne se sont pas assez méfiés, se font mordre cruellement...

C'est ce qui arrive à Tiger Woods.

Est-ce juste et raisonnable? Est-ce qu'un homme assez jaloux de sa vie privée pour baptiser son yacht Privacy est tenu de déclarer son intimité ville ouverte? Woods plaide que, non, il n'avait pas à se mettre tout nu sur la table et ne l'a fait que sous la torture médiatique.

 

«Les péchés de chacun ne devraient pas nécessiter de communiqués de presse», déclare-t-il fort bellement.

Prenons l'affaire par l'autre bout: qu'est-ce que le public a besoin de savoir, au juste?

Nous parlons de besoin, et non de désir ou de plaisir. De désir d'écornifler et de plaisir du commérer, qui sont vieux comme le monde. Universels comme la bêtise. Pas nécessairement condamnables. Mais, comme le péché, à ce point irrésistible qu'on a inventé pour eux tout un coffre d'outils, de l'agora grecque à YouTube en passant par le perron d'église, Twitter, la lunette d'approche et le téléphone mains libres!

Le besoin, donc.

Dans la revue de la décennie qu'a entreprise ces derniers jours le Time en ligne, Sarah Palin apparaît au moins deux fois. La première lorsqu'elle accorde à Katie Couric une entrevue où elle se montre ignare et incohérente. La seconde lorsqu'elle gracie une dinde devant l'abattoir où un autre oiseau se fait horriblement trucider. Dans un cas, on a fourni aux Américains une information essentielle touchant une candidate qui aurait pu hériter de la petite valise grise avec le gros bouton rouge! Dans l'autre, le ridicule de la situation leur a donné beaucoup de plaisir, certes, mais gratuit...

Dit autrement: savoir qu'un preacher fondant toute sa carrière sur sa haine de l'homosexualité loue les services de prostitués mâles est pertinent; savoir qu'un hockeyeur ignore tout de la physique quantique ne l'est pas.

Tout ça est clair. Trop. Car l'affaire Tiger Woods se situe quelque part entre les deux.

En principe, ses performances ailleurs que sur un terrain de golf ne regardent personne - hormis sa conscience et, en cas de malheur, sa famille. En pratique, le golfeur mène de front une deuxième carrière, celle de représentant publicitaire, s'alimentant à l'image de quasi-sainteté consciencieusement polie au fil des ans et presque cotée en Bourse!

De sorte que, juste ou pas, Tiger Woods ferait bien pour un moment de se mettre au vert.