Le premier ministre, Jean Charest, continue de résister aux pressions venant de partout en faveur d'une enquête publique sur l'industrie de la construction. Pourtant, comme le disait bien hier notre collègue Yves Boisvert, les arguments mis de l'avant par M. Charest se sont effondrés les uns après les autres.

Cela étant, l'entêtement du premier ministre paraît incompréhensible. En conséquence, les Québécois sont de plus en plus nombreux à croire que, comme le soutient Pauline Marois, «le premier ministre a choisi de protéger les amis du régime, de protéger le Parti libéral au lieu de protéger l'intérêt public».

 

Des gens de tous les milieux réclament une enquête publique. Tous ceux qui s'y connaissent réfutent l'opinion des libéraux selon laquelle une telle enquête nuirait au travail des policiers. Hier, M. Charest a défendu l'approche de son gouvernement, qui multiplie les réformes législatives et administratives. Toutes ces mesures sont bienvenues. Cependant, elles ne dissiperont pas le profond malaise provoqué par les révélations faites au cours des derniers mois.

Il n'y a pas si longtemps, M. Charest était un chaud partisan des enquêtes publiques. Par exemple, en 1999, lorsque des fuites se sont produites au ministère du Revenu, le chef libéral talonna le premier ministre du temps, Lucien Bouchard, pour qu'il mette sur pied «une enquête publique, une enquête qui sera présidée par un juge et qui fera la lumière sur tous les faits entourant l'affaire».

Trois ans plus tard, le gouvernement de Bernard Landry se retrouva au coeur d'une controverse relative au lobbying. M. Charest exigea alors... la tenue d'une enquête publique: «Nous voulons savoir si c'était érigé en système, si c'était la règle au sein du gouvernement.»

En comparaison avec le présent scandale, ces affaires étaient d'une envergure lilliputienne. Pourquoi le chef libéral estimait-il une commission d'enquête essentielle dans ces cas-là alors qu'aujourd'hui, il juge cette approche inappropriée?

Le plaidoyer livré hier par la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, était plus convaincant que les esquives du premier ministre: «Il n'est pas question ici d'une joute politique, mais bien d'une question d'intérêt public. Il est inadmissible que, dans une société libre et démocratique, des individus et des entreprises conspirent pour tirer avantage du bien commun. Il y a urgence d'effacer l'ardoise et de redonner à toute cette industrie ses lettres de noblesse.»

Dans son discours inaugural, le 10 mars dernier, M. Charest s'est engagé à ce que le gouvernement libéral soit «tous les jours le gouvernement de tous les Québécois». Comment peut-il aujourd'hui faire la sourde oreille à la volonté exprimée clairement, presque unanimement, par le peuple auquel il a fait cette promesse solennelle?