Août 2012. La fin du monde n'est pas arrivée. Par contre, la scène qui se déroule à la convention républicaine est dantesque: Sarah Palin est sacrée candidate présidentielle, avec la mission de déloger Barack Obama de la Maison-Blanche.

À première vue, cette éventualité apparaît improbable, sinon folichonne, voire grotesque. Et pourtant.

Sortie de nulle part, l'ex-gouverneure d'Alaska a été propulsée devant les projecteurs lorsqu'elle a été choisie comme colistière de John McCain en 2008. Après avoir insufflé un nouvel élan à une campagne républicaine en panne, Mme Palin s'est graduellement transformée en boulet au pied de M. McCain lorsque son manque de connaissance des dossiers nationaux et internationaux est devenu flagrant - elle ignorait que l'Afrique formait un continent!

 

Après l'échec du ticket républicain, on croyait qu'elle rentrerait bien tranquille dans ses terres. Erreur.

La publication de son autobiographie Going Rogue (Devenir rebelle) fait présentement tout un tabac aux États-Unis. Au point d'avoir porté ombrage à la névralgique visite du président Obama en Chine il y a quelques jours. Le passage de Sarah Palin à Oprah a valu à la populaire émission ses plus fortes cotes d'écoute en deux ans. Ses mémoires ont rapidement gravi le palmarès des best-sellers américains.

La «hockey mom» attire les foules lors de ses séances de signature dans les régions rurales américaines, où ses partisans abondent et sont prêts à attendre des heures dehors dans l'espoir de faire autographier leur exemplaire du livre. Un pan non négligeable de la population, foncièrement composée de cols bleus, irrités par le sauvetage des banques, affectés par le taux de chômage élevé, la vénère, cette mère de famille aux origines modestes, «one of us» comme ils disent.

Sa piètre expertise dans la gestion des dossiers complexes qui atterrissent sur la table du bureau Ovale ne rend pas sa candidature moins sympathique aux yeux de l'Amérique profonde. Au contraire, son image antiélitiste lui attire l'affection d'électeurs conservateurs qui abhorrent Barack Obama et sa personnalité d'intellectuel. Une Ronald Reagan au féminin qui garde ses distances avec l'establishment même du GOP.

Mme Palin pourrait tirer avantage du vacuum engendré par la fin de règne désastreuse de George Bush: les aspirants républicains ne semblent pas se bousculer pas au portillon. Bien qu'elle s'en défende (sans trop de conviction), il serait présomptueux de repousser du revers de la main la possibilité que cette figure charismatique tente sa chance à la présidence des États-Unis.

On peut penser que ses positions fort conservatrices la priveraient du vote indispensable des indépendants du centre, et faciliteraient ainsi la réélection de Barack Obama. Ce serait oublier la conjoncture économique difficile qui risque de perdurer aux États-Unis. Si les efforts de M. Obama devaient s'avérer insuffisants, les Américains désillusionnés pourraient lui en faire payer le prix en 2012. Et se tourner vers Sarah Palin, la rebelle.