J'adore Richard Desjardins. Sa voix nasillarde et esquintée. Ses textes, surtout. Alors que j'avais le mal du pays, dans la minuscule chambre d'une résidence universitaire perdue dans les champs de blé du Midwest américain, je me souviens avoir écouté jusqu'à usure la cassette de Tu m'aimes-tu?.

J'ai le plus grand respect pour Richard Desjardins. Ce documentariste engagé nous présente les dessous les moins bucoliques des industries du Nord qui échappent au regard des rats de la ville. Ses images percutantes sont autant d'électrochocs qui nous sortent de notre ignorance et de notre indifférence.

Mais je dois aussi admettre que je suis un peu fâchée contre Richard Desjardins. Pour faire de l'effet, pour que le message porte plus loin encore, il lui arrive de tourner les coins ronds avec la vérité.

Richard Desjardins a récemment affirmé, en entrevue à l'émission Les Francs-Tireurs, qu'une entreprise d'exploration minière peut débarquer dans votre cour et forer votre terrain sans vous demander la permission, voire vous prévenir. Si vous avez lu l'éclairant dossier de mon collègue Philippe Mercure sur l'industrie minière samedi, vous savez que c'est faux. Le cinéaste n'avait qu'à appeler quelques experts pour le savoir, une vérification élémentaire qu'il n'a pas faite.

Richard Desjardins planche sur un documentaire sur les mines. Il y sera notamment question de l'ouverture controversée d'une mine d'or, par la société Osisko, dans un quartier résidentiel du village de Malartic, en Abitibi. Or, il faut espérer que les faits seront rétablis. Parce que les erreurs de fond, petites comme grandes, font un tort immense à «la cause».

Car, il y a bel et bien des constats dérangeants, voire choquants dans les pratiques de l'industrie minière québécoise. Choses qu'il faut dénoncer, d'autant que le gouvernement s'apprête à changer les règles du jeu.

Le gouvernement amendera cet automne la Loi sur les mines. Cette loi couvre entre autres la restauration des mines après la fin de leur exploitation. De nombreux propriétaires de mines, on s'en souvient, ont abandonné leurs propriétés ou sont sur le point de le faire. Ainsi, c'est l'État qui reste pris avec le nettoyage de quelque 345 sites. Au 31 mars 2008, cette facture était évaluée à 264 millions de dollars. Pis, la surveillance de l'industrie est si relâchée qu'il n'est pas acquis que Québec n'aura pas à ramasser d'autres dégâts.

Mais c'est la modification de la Loi concernant les droits sur les mines, qui est attendue au printemps prochain, après plus de trois années de retard, qu'il faut surveiller d'encore plus près.

La loi actuelle prévoit que les sociétés minières doivent retourner au fisc 12% des profits qu'elles tirent de l'exploitation du sous-sol québécois. Mais en raison de plusieurs mesures d'aide et d'allocations, ces entreprises peuvent réduire leurs profits, voire les ramener à zéro.

Ainsi donc, entre 2002 et 2008, des années qui couvrent un boom minier, les minières québécoises n'ont versé que 259 millions de dollars en redevances. Ces droits ne représentent que 1,5% de la production, qui totalise 17,1 milliards de dollars pour ces sept années, a calculé le vérificateur général du Québec, Renaud Lachance.

Or, ces entreprises profitent, de surcroît, de généreux avantages fiscaux, avantages qui sont systématiquement plus élevés que les droits miniers. Par exemple, Québec s'est privé de 137 millions de dollars de revenus en 2008, tandis que l'industrie lui versait 94 millions en droits miniers.

Après analyse, le vérificateur a conclu qu'il est incapable d'évaluer si les droits miniers perçus par la province suffisent à compenser l'épuisement de ses ressources naturelles. Québec, république de bananes? La comparaison du député Amir Khadir n'est pas farfelue.

L'industrie minière fait valoir que la période étudiée par le vérificateur général est trop courte. Selon elle, il faudrait considérer toute la durée de vie d'une mine durant avant de conclure que le fisc perd au change. Or, Philippe Mercure a demandé à des entreprises puis à l'Association minière du Québec de lui produire des données à cet effet. Or, malgré le fait qu'il talonne l'industrie depuis une dizaine de jours, il attend encore les chiffres...

Compte tenu des critiques qui déferlent depuis un an, on se serait attendu à ce que Québec en prenne bonne note. Or, lorsqu'il a dévoilé la nouvelle stratégie minière du Québec, en juin dernier, le ministre délégué au Ressources naturelles, Serge Simard, était incapable de dire si des sociétés minières pourront continuer à empocher des profits sans payer des droits miniers. La priorité du gouvernement, affirmait alors le ministre, est d'assurer la compétitivité de l'industrie.

Puis, le ministre Simard semble avoir rajusté le tir. Si Québec n'entend pas tuer la poule aux oeufs d'or, les redevances augmenteront. Mais, dans quelle proportion? On l'ignore encore.

Dans cette histoire, c'est le Québec qui détient le gros bout du bâton. Son sous-sol est riche en minerais, minerais dont la valeur ne peut qu'augmenter avec la raréfaction des ressources. Pourquoi brader notre or? Le Québec n'a aucune raison d'avoir la mine basse.

Pour joindre notre chroniqueuse: sophie.cousineau@lapresse.ca