Je m'ennuyais dans les séries télévisées. Et puis un de mes boss m'a parlé de Weeds. Weeds, marijuana. Jamais rien vu d'aussi réjouissant. La cinquième saison qui a été montrée cet été au canal Showtime, sortira en DVD en janvier. Les quatre premières sont disponibles dans n'importe quel Blockbuster. Ils disent pour 13 ans et plus. Plus. Croyez-moi, pas mal plus.

Cela se passe dans une de ces chics [gated community] plaisamment nommée Agrestic. Une jeune veuve, mère de deux garçons, un ado et un pré-ado, fort démunie à la mort de son mari, se lance dans la culture du pot pour subvenir à ses besoins. Le rôle de la veuve est tenu par Mary-Louise Parker qui campe la plus piquante des MILF jamais montrée à la télé. C'est elle qui le dit, MILF, mother I like to fuck.

Une comédie déjantée. Des demi-heures trop courtes. L'intrigue? Bof. Doivent être une douzaine de scripteurs autour d'une table qui ne se demandent pas quelle histoire ils vont raconter dans le prochain épisode mais bien : quel tabou n'avons-nous pas encore complètement tabouisé dans cette série ?

Le tabou du joint que se passent sans arrêt trois des personnages principaux : plutôt 300 fois qu'une.

Le tabou du ti-cul (12 ans) qui vend la dope de sa maman à l'école, c'est fait aussi.

Le tabou du même ti-cul qui va aux putes avec son oncle.

Le tabou de la masturbation avec une peau de banane (je ne connaissais pas).

Le tabou de la gamine de 12 ans, un peu toutoune qui se déclare lesbienne.

Le tabou de parents qui se donnent le droit de ne pas aimer leurs enfants.

Le tabou du juif qui se fait rabbin pour ne pas aller en Irak.

Le tabou de la juive qui se harnache d'un énorme pénis noir.

Le tabou de la vieille à qui il faut changer sa couche : son petit-fils le fait, et quand il jette la couche, ça déborde sur les côtés.

Le tabou de l'avortement.

Le tabou de la sourde qui baise comme une sourde.

Le tabou d'une épicière qui se fait un ado (17 ans) sur le comptoir de son épicerie (où on vend surtout du pot). La mère rabrouera l'épicière: quand t'auras fini avec celui-là, j'en ai un autre.

Le tabou de la worst mother ever.

Le tabou - peut-être celui qui grince le plus - de [pas de condoms entre adultes consentants]. C'est à ce moment là que se désole un des scripteurs de la série: cout'donc aurait-on finalement fait le tour de tous les tabous d'Amérique et des environs ?

Mais non le rassure un autre, on n'a encore pas fait le tabou de l'euthanasie. Et c'est comme ça que commence la quatrième saison que je viens de finir: Mary-Louise Parker étouffe sa belle-mère agonisante (et consentante) avec un oreiller, devant toute la famille réunie, y compris les enfants.

 Au début je n'arrêtais pas de m'exclamer: Ben voyons donc! Ben voyons donc! Pas tant flabergasté par ce que je voyais que par l'idée que c'est là une série américaine, faite dans cette Amérique que l'échappée du sein de Janet Jackson trouble encore cinq ans après.

 L'Amérique de Glenn Beck, des créationnistes, des mormons, de la Bible Belt, du mouvement Provie (auquel adhèrent pour la première fois une majorité d'Américains). L'Amérique du puritanisme de droite, du moralisme de gauche, l'Amérique qui veut ravoir Polanski. Tiens, aussi, l'Amérique de Michelle Obama que j'aime bien, mais on reste tout de même dans [le chic et de bon goût] de la Ivy league.

On me fait remarquer que sur sa chaîne câblée, Weeds n'est vu que par un ou deux millions d'Américains, une audience insignifiante. Doivent être huit à avoir vu icWeedsxc au Wyoming, 21 si on ajoute l'Arkansas et l'Idaho. N'empêche. Cela existe. Cela gagne de nombreux prix aux Golden Globe. N'importe qui au Wyoming peut louer Weeds au club vidéo.

Un Weeds québécois un jour? Vous vous rappelez les débats pour Les Bougons ? Ce sera dix fois ça. Prévenez-moi. Je déménage au Luxembourg.

SÉRIES

Je m'ennuyais dans les séries télévisées. Et puis le printemps dernier ma fiancée a loué Les Sopranos. Quelle écriture. Quels acteurs aussi (la femme de Tony). Quelle photographie de la culture traditionnelle italo-américaine, mais aussi, quelle mystification, quelle simplification de faire de la mafia une excroissance à peine déviante, presque naturelle de cette culture. Anyway.

Autre vieille affaire que je regarde en ce moment : Wire. Au réalisme si pointu qu'on se croirait parfois dans un documentaire sur la police plutôt que dans une série [policière]. Presque un anti-Soprano. Pour intello? Disons pour ceux qui, rendus au milieu de la quatrième année des Sopranos commençaient à en avoir plein le cul du gros Tony. Avec Wire, c'est le contraire, plus ça avance plus on est accro. Un poison lent.

Je m'ennuyais dans les séries télévisées, voilà que je n'arrête plus. Je viens de louer Mad Men produit par la même maison qui produit Weeds (Lionsgate). Mad pour Madison la rue des agences de pub et de relations publiques à New York. Une série qui reproduit très exactement les années 60. Une direction artistique incroyablement soignée, je suis toujours en train d'arrêter l'image sur un objet, un vêtement, une trouvaille kitch. Aussi certifiés d'époque: les dialogues hommes-femmes. Apportez-moi un café Beverly. Oui monsieur, tout de suite. C'est juste si elle ne claque pas des talons. Si les secrétaires étaient encore comme ça, j'en voudrais une, peut-être même deux.