Monsieur P., jeune trentaine, agent immobilier pour une grande firme de courtage, vient d'être acculé à la faillite par Revenu Québec. C'est l'ultime recours qui lui restait pour se sortir des griffes du fisc québécois. Voici son histoire d'horreur fiscale. Sachez que cela peut vous arriver si jamais... Revenu Québec vous cible avec son arbitraire «Projet indices de richesse».

En quoi consiste ce projet? Après avoir établi la valeur des biens (maison, voiture, etc.) que vous possédez, Revenu Québec peut arbitrairement décider de vous faire payer des impôts additionnels sous prétexte que la valeur de vos biens «est anormalement élevée» par rapport aux revenus que vous avez déclarés.

Et dès lors, vous êtes aux prises avec le fardeau de la preuve: débrouillez-vous pour prouver à Revenu Québec que vous n'avez rien caché au fisc. Monsieur P. a essayé, il a vécu l'enfer et il a tout perdu...

Petit préambule. Quand vous travaillez comme agent pour une grande firme de courtage immobilier, comme Monsieur P., tous vos revenus de commissions sont forcément déclarés. C'est la firme qui vous les verse et qui les déclare. Vous ne pouvez pas effectuer des ventes de propriétés (maisons, plex, immeubles, etc.) à la cachette! Tout est enregistré, notarié...

Qu'à cela ne tienne, Monsieur P. a eu le malheur de se faire cibler par le Projet indices de richesse.

Tout a commencé en août 2006. «Je reçois une lettre de Revenu Québec m'annonçant que mon dossier fait l'objet d'une vérification relative à trois de mes postes de dépenses: publicité, véhicule, autres. «Je me suis prêté à cette vérification de fond en comble et la vérificatrice m'informe que tout va bon train. J'avais plus de 90% des factures approuvées et tout était beau.

«Soudainement, je reçois des nouvelles de deux nouveaux vérificateurs enragés. Ils m'informent qu'il s'agit d'une reprise en règle de mon dossier en fonction cette fois de la technique de l'avoir net et du coût de la vie. Cette méthode consiste à enfoncer le contribuable en se basant sur des présomptions «juris tantum» (sans preuve) et des calculs archaïques. Moi et mon comptable avons protesté, disant que mon dossier était déjà sous vérification et pratiquement terminé. Mais impossible, ils ont enclenché le char d'assaut.»

Mai 2007, la nouvelle vérificatrice chargée du dossier de Monsieur P. lui tend, de main à main, une lettre où elle révise ses déclarations de 2003, 2004 et 2005 en ajoutant 220 758$ de revenus supposément non déclarés. Et les impôts additionnels à payer seront majorés, lui dit-elle, d'une pénalité de 50%.

«Nous vous demandons d'examiner ce projet et de nous soumettre dans les 21 jours les motifs et arguments de votre refus, s'il y a lieu. En l'absence de réponse de votre part dans le délai ci-haut mentionné, un avis de nouvelle cotisation sera émis sans autre préavis», indique-t-on sur cette lettre de la vérificatrice de Revenu Québec.

Monsieur P. décide évidemment de contester le projet de cotisation de la vérificatrice. «Comment pourrais-je avoir de tels revenus non déclarés? Impossible, c'est de l'arnaque.»

«Lors de la représentation pour se faire entendre, ajoute Monsieur P., nous faisons face à un mur: la vérificatrice agit impoliment à titre de juge et de partie prenante. Je lui dis alors que je conteste et qu'on se reverra à la cour. Elle me répondit d'emblée: «Ça ne se rendra jamais jusque-là.»»

Pour se tirer de ce guêpier fiscal, Monsieur P. doit engager plusieurs professionnels: comptable, fiscaliste et avocats. Il dépense plus de 25 000$.

«Arrive la seconde étape d'opposition. Je me suis présenté au bureau de Revenu Québec, au Complexe Desjardins, accompagné de mon comptable. On nous a accueillis sur le ton de l'intimidation: «Bienvenue dans la tour infernale.» Quelle ne fut pas ma stupéfaction de voir la vérificatrice s'acharner de nouveau sur mon dossier. Du coup, on nous dit: «Si vous n'êtes pas contents, allez à l'autre étape, la cour. Et là, le temps d'attente est indéterminé.»»

Par la suite, Revenu Québec se met à jouer dur. «Les appels de menaces du percepteur s'intensifient pour récupérer le plus d'impôt possible sur mes supposés revenus non déclarés. La loi de l'impôt les autorise à saisir avant jugement comme bon leur semble», explique Monsieur P.

Résultat: après avoir versé une première somme de 15 000$ (en pensant pouvoir la récupérer après la contestation), Monsieur P. se fait geler son compte bancaire par Revenu Québec, qui lui soutire 6293$. Ensuite, on lui saisit son REER de 10 000$. Et Revenu Québec ordonne une saisie de salaire, allant de 30% à 50%... de ses commissions.

Les mois passent. Vidé financièrement, épuisé par ces tracasseries fiscales, et comme les délais pour se défendre en cour allaient lui faire perdre deux autres années de sa vie, Monsieur P. a décidé que c'en était assez. Et il vient de déclarer faillite.