Il serait très surprenant que l'Action démocratique du Québec puisse se relever de ses déboires des derniers mois. Elle peut évidemment survivre, c'est-à-dire continuer de vivoter comme parti marginal. Mais elle pourra difficilement retrouver son rôle d'antan.

C'est dommage. L'ADQ a joué un rôle important au Québec durant cette décennie. Mario Dumont a amené un vent de fraîcheur à la vie politique québécoise, en s'attaquant à nos dogmes, en remettant en cause des pratiques et des institutions que personne n'osait critiquer, en imposant des débats nécessaires, par exemple sur la dette. L'ADQ a ainsi dominé le débat politique et forcé les partis traditionnels à modifier leur discours.

 

Mais que va-t-il arriver maintenant que ce parti est trop faible et trop désorganisé pour s'imposer? Va-t-on assister à un réaménagement de l'échiquier politique pour combler ce vide laissé par l'ADQ? Est-ce que les deux grands partis vont modifier leur tir pour récupérer sa clientèle, reprendre certaines de ses idées?

Il y a toujours un risque à faire le constat de décès d'une formation politique. Un parti, même mal en point, peut connaître des revirements spectaculaires. Mais la campagne au leadership tout à fait médiocre et, surtout, le grand guignol qui a suivi la victoire peu convaincante de Gilles Taillon nous ont fait découvrir quelque chose d'encore plus troublant sur l'ADQ.

On savait déjà, au départ de Mario Dumont, que l'ADQ risquait d'être le parti d'un seul homme, que l'équipe était faible, et la relève médiocre. Mais ce que nous ont montré les querelles intestines, c'est que l'ADQ n'a jamais été un vrai parti, qu'il lui manque une culture, une cohésion, une discipline pour traverser des périodes de crise.

C'est d'ailleurs pour cela que la marginalisation de l'ADQ ne laissera pas beaucoup de traces. On a tendance à voir l'ADQ comme un parti de droite, qui occupe un espace précis sur l'échiquier politique, avec ses militants, sa base, sa clientèle. Mais les choses sont beaucoup moins claires.

D'abord parce que l'ADQ est moins un parti qu'une coalition assez bancale composée d'orphelins du débat constitutionnel - souverainistes découragés et fédéralistes tannés -, de nostalgiques de l'union nationale ragaillardis par l'arrivée de Mario Dumont, auxquels se sont greffés des néolibéraux urbains. Un assemblage mal cimenté qui résistera mal à la tourmente.

Ensuite, parce que l'ADQ n'est pas un parti de droite dans le sens strict du terme comme peut l'être le Parti conservateur de Stephen Harper. Certaines des idées de l'ADQ sont des idées de droite, comme son anti-étatisme, sa méfiance de l'immigration. Mais c'est surtout un parti populiste qui peut aller là où le vent le poussera.

Voilà pourquoi il ne sera pas tentant pour les autres partis d'aller sur son terrain. Paradoxalement, c'est le Parti québécois qui risque le plus de vouloir être l'héritier de l'ADQ à certains égards, en jouant sur le même terrain des inquiétudes identitaires et de l'indignation sur les accommodements raisonnables.

Mais les libéraux, plus à droite, et en principe plus proches des adéquistes, ne bougeront sans doute pas. Les difficultés de l'ADQ leur ont rappelé ce qu'ils avaient déjà découvert lors de leur premier mandat, à savoir que l'étiquette de droite est un véritable boulet au Québec. Il est donc très peu probable que les libéraux, qui ont découvert les vertus du centre, et qui ne veulent pas faire de vagues, modifient quoi que ce soit à leur programme.

Et voilà pourquoi le scénario le plus plausible, c'est celui d'un retour à la normale, où nos deux grands partis retrouveront tout simplement leur place d'autrefois comme si le passage de l'ADQ n'avait été qu'une parenthèse.