L'hypersexualisation des adolescents est un fait tellement accepté dans notre société que nous ne le remettons presque plus en question. Les strings, les décolletés plongeants, ainsi que deux ou trois anecdotes salées à propos de pratiques sexuelles supposément en vogue chez les jeunes, nous ont convaincus, collectivement, qu'il fallait s'inquiéter.

Or une étude réalisée par des chercheurs en sexologie de l'UQAM vient ébranler ces certitudes et nous rappeler quelques vérités... statistiques du moins.

 

Dans un dossier publié vendredi dernier par notre collègue Sophie Allard, le chercheur Martin Blais rappelle entre autres que plus de la moitié des jeunes ont leur première relation sexuelle à 18 ans ou plus. Dans les années 80, on parlait plutôt de 17 ans. En outre, dans la très grande majorité des cas (autour de 80%), la première relation sexuelle a lieu dans le contexte d'une relation amoureuse. Il faut donc être prudent lorsqu'on établit un lien entre l'omniprésence de la sexualité dans les médias (un fait observé) et son influence sur les comportements sexuels des jeunes. Les statistiques, on le voit, ne confirment pas ce lien de cause à effet.

Au-delà des chiffres, toutefois, ce sont les conséquences du discours public sur l'hypersexualisation des jeunes qui intéressent les chercheurs. En effet, se demande Martin Blais, n'y a-t-il pas un danger que ce discours crée un effet pervers en établissant une fausse norme à laquelle les jeunes se mesureraient (si tout le monde le fait, je dois le faire aussi...).

Préoccupation également chez ce professeur de sociologie qui s'inquiétait dans nos pages, samedi, du potentiel de culpabilisation et de honte chez ceux et celles à qui on a accolé l'étiquette d'hypersexualisés. Le discours ambiant pourrait-il avoir le même effet négatif sur les adolescents d'aujourd'hui que le discours de l'Église sur l'estime de soi de nos parents et de nos grands-parents? Voilà une observation intéressante qui vaudrait la peine d'être explorée.

Car dans les faits, il suffit de discuter avec des adolescentes pour constater à quel point les jeunes filles d'aujourd'hui manipulent des accessoires qu'elles ne maîtrisent pas. La profondeur du décolleté ou le port du string est loin d'être la preuve d'une vie sexuelle active. En fait, on réalise plutôt que les jeunes filles ne sont absolument pas conscientes de l'image qu'elles projettent ou du message qu'elles envoient.

On serait donc face à une hypersexualisation de surface (l'image, la tenue vestimentaire) qui, elle, est bel et bien le reflet de l'époque dans laquelle ces adolescentes évoluent. Qu'il s'agisse des émissions de télévision qu'elles écoutent ou des boutiques de vêtements où elles magasinent, cette hypersexualisation est tapissée mur à mur, impossible d'y échapper. D'où l'importance d'aider les jeunes à se construire malgré ce rouleau compresseur d'images stéréotypées.