À voir un Pedro Martinez joufflu faire de l'escrime verbale avec les journalistes de New York, cette semaine, l'image d'un tout jeune maigrichon m'est revenue. L'image d'un jeune Dominicain qui prenait le métro pour aller travailler comme nouveau lanceur des Expos, début des années 90.

Il m'est arrivé d'être dans le même wagon. Pedro Martinez était toujours escorté d'une escouade d'adolescents admirateurs, des garçons et des filles un peu plus jeunes que lui, qui l'accompagnaient jusqu'à la porte du stade. Ça rigolait fort.

Comme homme, il était plus allumé, plus intelligent que la plupart des joueurs de baseball. Un p'tit vite qui parlait déjà anglais et qui n'a jamais arrêté de parler.

On le disait cocky, ce qui était vrai, mais d'une bonne façon.

Felipe Alou disait aux journalistes qui voyageaient avec l'équipe que ce garçon allait devenir un des meilleurs lanceurs du baseball majeur. Quoi? Ce petit efflanqué? Pedro devait faire 150 livres...

On ne croyait pas Felipe et il nous répondait que le temps lui donnerait raison. Et comment!

Pedro n'a jamais craint de lancer à l'intérieur. Mais à ses débuts, son contrôle n'était pas à point et il atteignait involontairement des frappeurs. Plusieurs frappeurs. Au point où les bancs se sont vidés quelques fois et Felipe Alou, un homme avec qui vous n'auriez pas voulu vous battre à l'époque, se plantait devant Martinez, qui se faisait tout petit, prêt à affronter n'importe qui. Martinez se faisait tout petit, mais il continuait de parler...

Le gérant des Expos nous racontait ensuite en privé que les Noirs des Antilles étaient considérés comme des citoyens de troisième classe aux États-Unis et dans les ligues majeures de baseball, juste en dessous des Noirs américains.

Alou savait de quoi il parlait. Il a été l'une des premières vedettes latino-américaines aux États-Unis. Pourtant, il a été refusé dans des hôtels, des restaurants, des stades même, alors que ses coéquipiers blancs étaient admis. Quand il en parlait, il rageait encore. Alors pas étonnant qu'Alou bondissait sur le terrain comme un tigre, quand les bancs se vidaient à cause de Pedro Martinez.

Felipe a aussi engueulé des officiels qui avaient nettement un préjugé défavorable envers le jeune lanceur des Expos et sa grande gueule. Qu'est-ce qu'il disait aux officiels? «Qu'ils sont racistes!»

Pedro Martinez était l'homme idéal pour déclencher une bagarre générale. Il en a causé quatre, contre les Yankees, alors qu'il portait les couleurs des Red Sox de Boston. Souvenez-vous de Pedro qui pousse le vieil entraîneur, Don Zimmer, au bout de ses bras...

Il reste que j'aimais bien bavarder avec ce Martinez les rares fois où il tenait en place. Il n'avait aucune prétention, même quand il est devenu une vedette des Expos. Il aimait rire... (Et si le baseball majeur n'avait pas décrété un lock-out en 1994, Pedro Martinez nous aurait menés à la Série mondiale.)

Lorsqu'il a signé le premier de ces fabuleux contrats qu'on accorde aux gagnants du trophée Cy-Young, Pedro a fait construire une église dans son village natal en République dominicaine - sa mère se plaignait que la vieille église tombait en ruine...

Hier soir, Pedro Martinez, 38 ans, a lancé en Série mondiale une fois de plus. Sa carrière était censée être terminée. Il n'a pas trouvé d'employeur avant que les Phillies ne lui offrent un contrat, le 15 juillet dernier. Ils ont bien fait. Martinez a amassé une fiche de 5-1 en une moitié de saison et il a brillé en séries éliminatoires.

Le gérant des Phillies, Charlie Manuel, a déclaré: «Tout ce que je savais de lui, c'est qu'il était cocky

Exact. Mais d'une bonne façon.