Depuis mars, les marchés boursiers ont grimpé de plus de 50%. L'exubérance des investisseurs donne l'impression que l'économie, particulièrement celle des États-Unis, est de retour sur la voie de la prospérité après avoir atteint le fond du baril. Et si ce n'était qu'un mirage?

Depuis mars, les marchés boursiers ont grimpé de plus de 50%. L'exubérance des investisseurs donne l'impression que l'économie, particulièrement celle des États-Unis, est de retour sur la voie de la prospérité après avoir atteint le fond du baril. Et si ce n'était qu'un mirage?

Les grands investisseurs, les firmes de placement, doivent caser leur argent quelque part. Dans les bons du trésor et obligations gouvernementales ? Avenue peu attrayante, les rendements sont si bas qu'on ne veut pas y enfouir trop de billes. Le marché immobilier ? Le secteur commercial est encore bien déprimé. La Bourse est alors devenue une option de choix, après la débandade de la deuxième moitié de 2008. Bien que les indices aient déjà largement progressé, les alternatives demeurent rares. Quand les taux d'intérêt quitteront leur seuil plancher, ce sera une autre histoire. Résultat: le prix des actions ne reflète pas forcément la santé réelle de l'économie.

Pour contrer la baisse dramatique de leurs revenus, les entreprises cotées à la Bourse ont procédé à un régime amaigrissant afin de préserver leur rentabilité. Ils ont sabré dans leurs dépenses et supprimé des emplois. Le fruit de leurs efforts a commencé à se faire sentir dans les résultats financiers dévoilés en octobre. Les entreprises retrouvent leur santé financière, c'est vrai, mais la reprise fragile se dessine sans que de millions de chômeurs retrouvent un emploi. En plus, les investisseurs réagissent souvent positivement à des résultats financiers supérieurs aux attentes des analystes qui ont pris soin de ne pas mettre la barre trop haute afin de s'assurer que la compagnie passe le test.

Autre point trompeur : les entreprises publiques des parquets nord-américains sont des multinationales, elles font des affaires partout dans le monde. Leurs revenus d'outre-mer contribuent pour beaucoup à leur marge bénéficiaire. On ne doit donc pas interpréter leurs succès comme un signe que l'économie américaine reprend forcément de la vigueur.

En fait, la réalité est tout autre. Les États-Unis s'enfoncent dans le rouge. Le taux de chômage officiel excédera bientôt les 10%, mais en fait, plus de 17% des Américains ne travaillent pas ou doivent se contenter d'un emploi à temps partiel. Les consommateurs américains ont encore le moral dans les talons. Et, pendant ce temps, le prix de l'essence à la pompe grimpe aux États-Unis, grâce à la hausse constante du prix du baril de pétrole qui a atteint les 82$US ces derniers jours. Les Américains doivent ainsi consacrer une plus grande portion de leur budget au transport, un frein à la relance.

Le billet vert a tant perdu de sa valeur qu'il risque de bientôt de perdre son titre de monnaie de réserve internationale au profit d'un panier de devises. Lorsque la Réserve fédérale sera forcée de dégeler les taux d'intérêt pour retenir ses créanciers indispensables au financement de sa dette colossale, et que l'administration Obama sera contrainte de hausser les impôts, l'économie de nos voisins du Sud sera mise à dure épreuve.

Une grande question demeure: quand les gouvernements du G20 mettront fin à leurs mesures de relance pour soutenir l'économie, l'entreprise privée pourra-t-elle prendre le relais? Ou retomberons-nous en récession? D'autant plus que la faiblesse du dollar américain commence à faire sourciller les banques centrales européenne et canadienne: l'embryon de reprise pourrait être sapé par une dégringolade des exportations, non concurrentielles.

Bien sûr, les marchés boursiers peuvent parfois, quelques mois à l'avance, se révéler un indicateur de jours meilleurs à venir. Mais quand les réflexes des investisseurs traduisent plutôt un excès d'optimisme, les Dow Jones de ce monde peuvent aussi se révéler un miroir aux alouettes.