D'entrée de jeu, l'intervieweur John Parisella a accueilli son invité, George W. Bush, en lui disant que les gens dans la salle l'avaient reçu d'une façon typiquement montréalaise.

C'est vrai que nous sommes généralement polis de ce côté-ci de la frontière canado-américaine (les Américains se moquent même de nous à cet égard, disant que nous sommes bonne pâte), mais je ne savais pas que le Montréal typique cachait tant de républicains!

Par moments, les nombreuses salves d'applaudissements offertes à l'ancien président ressemblaient plus à un bruyant appui à ses décisions qu'à un geste de politesse élémentaire envers la visite.

Tout ça à Montréal, une ville qui a uni sa voix aux grandes métropoles du monde contre l'invasion en Irak avec une manifestation monstre, en mars 2003.

M. Bush, dont c'était la première visite à vie à Montréal, est probablement reparti avec l'impression qu'il compte ici plus de supporters que dans la majorité des grandes villes américaines.

Pendant la période d'entretien avec John Parisella, après son discours, l'ancien président a manifesté un agacement palpable devant l'insistance de l'intervieweur. Un agacement perceptible aussi parmi bon nombre de personnes dans la salle, qui, visiblement, n'appréciaient pas que l'on cuisine W. Pourtant, cela a été fait avec respect et retenue.

Dans une entrevue à ma collègue Agnès Gruda, publiée hier dans nos pages, John Parisella disait vouloir poser des questions sur le bilan du président Bush afin de «savoir s'il a des regrets et s'il reconnaît ses erreurs».

M. Parisella a fréquenté trop de politiciens pour ne pas savoir que ceux-ci, une fois à la retraite, reconnaissent rarement leurs erreurs et n'entretiennent pas souvent des remords.

C'est le cas de George Bush, qui a montré hier la même ferveur presque religieuse à défendre son bilan qu'il en a mis à justifier ses décisions au cours de ses deux mandats, de 2000 à 2008.

S'il a des regrets, ce n'est que sur la forme, certainement pas sur le fond. «Je regrette le choix de certains mots, a-t-il expliqué. Comme l'expression «mort ou vif» (en parlant de la capture de ben Laden) ou d'avoir dit «mission impossible» sur ce porte-avions.» (Joli lapsus, M. Bush faisait évidemment référence à l'expression, à propos de l'Irak: Mission accomplished, écrite sur une immense banderole lors de son arrivée impromptue sur un porte-avions.)

Pour le reste, M. Bush s'est employé à réécrire l'histoire, comme le font presque toujours les dirigeants après avoir quitté leurs fonctions. On n'est jamais mieux servi que par soi-même.

«C'est facile de reculer quand ça chauffe en politique et de dire: «Oh, je ne voulais pas dire ça», mais je ne suis pas comme ça. Je suis un homme de principes et je suis convaincu que j'ai pris mes décisions en fonction de mes principes», a-t-il dit.

W. ne s'est pas contenté d'écrire des grands chapitres de son autobiographie, il a aussi réécrit certains passages-clés de sa présidence. Notamment en affirmant que tous les services de renseignements du monde, «y compris le vôtre ici au Canada», a-t-il précisé, pensaient que Saddam Hussein cachait des armes de destruction massive. Assis à la table juste devant la mienne, l'ancien ambassadeur du Canada à Washington, Raymond Chrétien, faisait de grands NON en agitant la tête de droite à gauche.

En réponse à des questions sur sa décision d'envahir l'Irak, M. Bush a répondu candidement «qu'il aurait bien aimé que l'on trouve des armes de destruction massive» en Irak, mais que «armes ou pas arme», le monde est un endroit plus sûr sans Saddam Hussein, a-t-il tranché.

L'ancien président, qui nous promet ses mémoires pour l'an prochain, a par ailleurs fait l'apologie, sans surprise, du libre marché, tout en se félicitant d'avoir sauvé son pays d'une grande dépression en volant à la rescousse des marchés financiers, à la toute fin de sa présidence.

Il a aussi révélé comment il s'est senti le 11 septembre 2001, et comment il a réagi. «Le premier avion, c'était un accident. Le deuxième, une attaque. Le troisième, c'était une déclaration de guerre et j'ai alors décidé de passer à l'attaque, résolument, sans relâche», a-t-il lancé, déclenchant l'une des nombreuses salves d'applaudissements d'un public visiblement conquis.