Une grippe dangereuse est à nos portes. Dangereuse à cause de sa propagation, et à cause de ses victimes, souvent des jeunes. Nous avons heureusement un outil pour combattre la grippe porcine: un vaccin. Mais la résistance est forte.

Un puissant mouvement anti-vaccination balaie le Québec, tout comme le reste du monde industrialisé. Des parents, prêts à bannir la malbouffe pour la santé de leurs enfants, ne savent pas si, oui ou non, ils feront vacciner les membres de leur famille contre le virus H1N1. L'expression «majeur et vacciné» est en train de perdre son sens.

 

C'est un symptôme de la crise de confiance qui touche nos sociétés. Face à la science, et plus particulièrement la science médicale. Face au pouvoir, ce qui a été encouragé par l'absence de leaderhip des autorités politiques et sanitaires.

Il n'y a pas que les folkloriques adeptes du complot. Le refus prend des formes sophistiquées qui n'épargnent pas les citoyens éduqués et éclairés. On peut peut-être y voir un effet pervers de la pensée verte, quand on applique la saine méfiance des médicaments et de la médecine officielle au cas de la pandémie de grippe. Quelle erreur. S'il y a un endroit où la médecine s'est montrée irremplaçable, c'est bien avec la vaccination.

Mais sur ce terreau déjà fertile s'est ajouté le doute. Nous assistons à la première pandémie en temps réel de notre histoire. Nous sommes bombardés d'informations, contradictoires, parce que la médecine n'est pas une science exacte, et que le virus de cette grippe porcine est une nouvelle bibitte dont on sait peu de choses. Paradoxalement, les gens, qui se méfient pourtant de la médecine, sont décontenancés parce que celle-ci ne leur assène pas des vérités d'Évangile.

On ne sait pas quand la grippe va frapper. Ni quelle sera l'ampleur de la pandémie. Ni dans quelle proportion ceux qui l'attraperont souffriront de complications graves. Ajoutons à cela le fait que le vaccin est nouveau, quoique c'est le cas chaque année avec l'influenza traditionnelle.

Le doute est d'autant plus grand que l'épidémiologie est une science statistique, dont l'approche probabiliste, difficile à comprendre, horripile les gens. On mesure les risques pour des populations, tandis que les gens pensent à leur risque personnel.

Le risque d'attraper la grippe est relativement faible, celui d'être atteint d'une forme grave encore plus. Pourquoi alors se faire vacciner? Pour la même raison qu'on s'attache en automobile, même si la probabilité d'avoir besoin de la ceinture de sécurité est très faible. Les effets négatifs d'un tel vaccin sont quasi nuls, tandis que la grippe A(H1N1) peut, dans certains cas, avoir des effets dévastateurs.

Mais le message ne passe pas. C'est en partie la faute des organismes de santé publique. On se souvient qu'ils ont crié au loup au printemps dernier. Depuis, la stratégie de l'Agence de la santé publique du Canada n'a pas été facile à suivre, sur le choix du type de vaccin, sur le calendrier.

Une lacune qui n'a pas été comblée par le leadership politique. Le ministre québécois de la Santé, Yves Bolduc, n'a pas été très présent. C'est le président de la Fédération des médecins spécialistes, Gaétan Barrette, dont le message a été le plus efficace sur YouTube, quand il a dit pourquoi lui et sa famille se feraient vacciner.

Mais la palme revient au premier ministre Stephen Harper, qui a dit qu'il prendrait le vaccin si c'était la recommandation générale, ne semblant pas être au courant que son gouvernement multiplie les efforts pour promouvoir la vaccination. Pour mémoire, le président Obama, en conférence de presse, a personnellement recommandé aux Américains de se faire vacciner.