Avec la reprise du débat sur les accommodements raisonnables, on assiste au retour de l'idée simpliste selon laquelle la question pourrait être réglée par un coup de baguette législative. Par exemple, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a laissé entendre que si la Charte (québécoise) des droits et libertés de la personne affirmait la «primauté» de l'égalité des sexes, les dérapages bureaucratiques qui ont fait la manchette la semaine dernière n'auraient pas pu se produire.

Bien des gens partagent cette conviction. Toutefois, avant d'aller aussi loin aussi vite, il faut s'arrêter aux conséquences qu'entraînerait une telle primauté. Dans les faits, on créerait une hiérarchie des droits fondamentaux. Cette approche a été rejetée par la jurisprudence partout sur la planète. D'ailleurs, lors du débat sur les dernières modifications à la Charte, péquistes et libéraux s'entendaient sur la nécessité d'éviter une telle hiérarchisation.

 

Un grand nombre de Québécois étant aujourd'hui indifférents, voire hostiles aux religions établies, ils seront portés à placer les droits auxquels ils tiennent particulièrement, notamment l'égalité des sexes, au-dessus de la liberté de religion. C'est une erreur.

La liberté religieuse ne paraît peut-être pas importante aux yeux de la majorité québécoise; elle n'en est pas moins un droit fondamental reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Comme l'a souligné la Cour suprême des États-Unis, «le droit de chacun de former sa propre conception de l'existence, de sa finalité, de l'univers et du mystère de la vie humaine constitue un élément essentiel de la liberté».

Si l'égalité des sexes est consacrée supérieure à la liberté religieuse, devrait-elle aussi prédominer sur la liberté d'expression? Sinon, la liberté religieuse serait-elle le seul droit à être ainsi relégué au second rang? Ajouterait-on la liberté de conscience à ces droits de seconde classe? Pourquoi pas? On voit qu'on met là les pieds sur une pente très dangereuse.

Pour régler des problèmes circonscrits, il vaut mieux éviter les énoncés à vaste portée dans la rédaction de nos lois relatives aux droits et libertés. De tels énoncés ne sauraient appréhender la variété et la complexité des situations qui surviendront.

L'État ne doit pas pour autant rester muet ou mou. La récente controverse suscitée par les demandes de certaines personnes souhaitant être servies par quelqu'un d'un sexe donné porte sur des cas concrets dont on connaît les contours. Comme nous l'en avons pressé ici, le gouvernement Charest devrait adopter une politique édictant que de telles requêtes seront dorénavant refusées, sauf lorsque des soins intimes sont en cause. Relisons ce qu'a affirmé l'été dernier la Cour suprême du Canada: «La Charte garantit la liberté de religion, mais ne protège pas les fidèles contre tous les coûts accessoires à la pratique religieuse.»