Cinq cents milliards de dollars américains! Le montant est étourdissant. Tel sera pourtant le recul, en 2009, de l'investissement direct à l'étranger dans le monde.

Cette prévision dramatique est tirée du rapport annuel sur l'investissement de la Commission des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED). Le document a été publié il y a quelques jours dans l'indifférence générale.

 

L'investissement direct à l'étranger mesure tout l'argent investi dans des entreprises situées à l'extérieur du pays d'origine. Par exemple, lorsque Bombardier achète une entreprise aux États-Unis, ou que McDonald's ouvre un restaurant en Chine, ou que Toyota construit une usine de montage au Brésil.

L'investissement direct à l'étranger comporte plusieurs avantages pour le pays receveur: création d'emplois, transferts technologiques, augmentation de l'activité économique. C'est pour cela que la plupart des administrations publiques multiplient les mesures pour attirer l'investissement, surtout dans le secteur manufacturier: congés de taxes, subventions, terrains à rabais, etc. L'investissement direct suppose donc une participation importante à l'activité économique, contrairement à l'investissement de portefeuille, où l'acheteur achète des titres (actions, obligations) dans l'espoir de réaliser un gain en capital, ce qui n'apporte pas grand-chose à l'économie.

L'an dernier, l'ensemble de l'investissement direct à l'étranger se situait à 1,7 billion (1700 milliards). Ce montant représentait déjà un recul important par rapport aux deux billions de 2007. Pour 2009, la CNUCED prévoit 1,2 billion, d'où le trou de 500 milliards. En fait, c'est plus qu'un trou, c'est un véritable effondrement. Et les spécialistes de l'organisme s'attendent à une très longue convalescence: si tout va bien, l'investissement remontera timidement à 1,4 billion l'an prochain, puis à 1,8 billion en 2011. Autrement dit, dans deux ans, le niveau des investissements sera encore très nettement en-dessous de celui de 2007, et ces chiffres ne tiennent pas compte de l'inflation.

C'est évidemment la crise financière et économique qui est la grande responsable de ces «graves perturbations», pour utiliser l'expression du rapport.

Les multinationales sont les principales sources d'investissement direct à l'étranger. Or, plusieurs d'entre sont aux prises avec d'énormes problèmes.

D'autre part, l'accès au crédit est beaucoup moins facile. Pas de financement, pas d'investissements.

On pourrait s'attendre, comme c'est généralement le cas lors de perturbations économiques majeures, à ce que la crise frappe plus sévèrement chez les pays les plus pauvres.

Eh bien, non, pas du tout! Au contraire: sur le plan de l'investissement direct, les grands gagnants de la crise sont les pays pauvres.

«Les pays en développement, observe la CNUCED, ont mieux résisté à la crise financière que les pays développés, leurs systèmes financiers étant moins imbriqués dans les systèmes bancaires très ébranlés des États-Unis et de l'Europe; leur croissance économique est restée ferme grâce à la hausse des prix des produits de base.»

En conséquence, on assiste à un véritable revirement de situation.

En 2007, les pays riches attiraient 80% de l'investissement direct à l'étranger, ne laissant que 20% aux autres. En 2008, la part des pays riches n'était plus que de 57%.

Ainsi, au moment même où l'investissement reculait de façon dramatique sur l'ensemble de la planète, il augmentait de 67% en Inde, 68% au Nigéria (27% pour l'ensemble de l'Afrique), 29% au Brésil et en Chine.

Pendant ce temps, on observait des reculs épouvantables de 55% en Allemagne et au Royaume-Uni, 44% au Canada et 25% en France.

Le cas des États-Unis est spécial. Même affaiblis par la crise, les États-Unis conservent de très loin leur première place de pays d'accueil et d'origine des investissements. C'est l'un des rares pays riches (avec la Suède, le Japon et l'Australie) à connaître un accroissement de l'investissement direct à l'étranger.

L'an dernier, à eux seuls, les Américains ont accueilli 316 milliards d'investissements étrangers directs, suivis par la France (118 milliards) et la Chine (108 milliards).

Enfin, sur le plan financier, la CNUCED est plus ou moins dans le noir: «On ne sait pas encore quelles seront les conséquences de la crise dans les années à venir», écrivent les auteurs. Ce qui est certain, c'est que la crise a entraîné une transformation «radicale»: certains gouvernements de pays riches sont devenus les actionnaires principaux de quelques-unes des plus grandes institutions financières de la planète, pendant que d'autres géants de la finance se sont effondrés.

Tout cela risque d'avoir des conséquences «profondes» sur l'investissement direct dans les services financiers.