Il y a des oeuvres qui, même si elles rejoignent un modeste auditoire, ont tout de même un impact dans l'imaginaire collectif. C'est le cas de la série télévisée Mad Men, qui dépeint la vie dans une agence de publicité de Madison Avenue, à New York, au début des années 60. Période féconde durant laquelle l'Amérique est bouleversée par de grands événements: crise de la baie des Cochons, suicide de Marilyn Monroe, premier homme sur la Lune...

Il y a des oeuvres qui, même si elles rejoignent un modeste auditoire, ont tout de même un impact dans l'imaginaire collectif. C'est le cas de la série télévisée Mad Men, qui dépeint la vie dans une agence de publicité de Madison Avenue, à New York, au début des années 60. Période féconde durant laquelle l'Amérique est bouleversée par de grands événements: crise de la baie des Cochons, suicide de Marilyn Monroe, premier homme sur la Lune...

À l'agence de publicité Sterling Cooper, les hommes occupent les postes de direction, les femmes les postes de secrétaires. Les plus «chanceuses» se marient et restent à la maison pour s'occuper des enfants. Les hommes sont encore des gamins qui boivent un scotch à l'heure en reluquant les poitrines pigeonnantes de leurs employées alors que, dans les cuisines, leur femme rumine sur leur condition. En toile de fond, les balbutiements de la révolution féministe.

Le personnage principal de Mad Men, Don Draper, directeur créatif et associé de l'agence, est un homme énigmatique, marié, père de deux enfants et amant de plusieurs femmes. Un homme torturé qui tente de concilier, avec difficulté, désirs personnels et devoirs familiaux.

Or voilà qu'en ce début de XXIe siècle, Don Draper est devenu une véritable icône de la culture populaire aux États-Unis. On le retrouve partout, dans les magazines, les journaux, sur les sites internet: on décortique son style, on envie son allure, on analyse sa personnalité. Cette semaine, un site très populaire chez les hommes américains, Ask men, l'a même consacré l'homme le plus influent de l'heure, et ce, avant Barack Obama (il ne s'agit bien sûr pas d'un sondage scientifique, et c'était avant le prix Nobel mais tout de même, cela en dit long). Mais qu'est-ce qui a bien pu motiver ce choix?

Comment expliquer la popularité de Don Draper aujourd'hui, en 2009, à notre époque marquée par le post-féministe, les congés de paternité et les revendications pour l'équité salariale? Sommes-nous face à un engouement passager pour les tailleurs bien coupés, la musique de crooner et les martinis ou s'agit-il de quelque chose de plus sérieux? Assisterait-on à une vague de nostalgie masculine? Nostalgie d'une époque insouciante où les hommes se conduisaient parfois comme des gamins? À moins qu'il ne s'agisse d'un désir plus profond encore, on pourrait même dire atavique, de retourner à ces années où les rôles sexuels étaient beaucoup plus clairs et déterminés. La femme était mère de famille et gardienne de la domesticité alors que l'homme, lui, était le pourvoyeur, l'incarnation de la stabilité et de la sécurité. Il y a sans doute un peu de cela dans la soudaine popularité de Don Draper.

Sans vouloir tomber dans les analyses trop faciles (surtout que la série Mad Men ne le fait pas puisqu'elle dépeint plutôt des hommes et des femmes complexes, aux attitudes plus nuancées, loin des stéréotypes), on pourrait dire que Don Draper est une valeur refuge comme l'est le lingot d'or en temps de crise économique. Un phare dans la tourmente. Au fond, aux yeux des hommes aujourd'hui âgés entre 30 et 50 ans, à qui les femmes ont parfois demandé de réinventer le sexe masculin, Don Draper rappelle le père, le grand-père, bref, les modèles masculins qui ont marqué certaines balises. Don Draper est à la fois l'homme à qui on aimerait ressembler tout en étant l'homme à qui il ne faut plus ressembler.

Pour toutes ses contradictions, et pour d'autres raisons qui nous échappent sans doute, Don Draper est une figure fascinante de notre culture populaire.