Un conservateur est un progressiste qui s'est fait agresser par un criminel, édicte une maxime anglo-saxonne... En ce cas, nous, Québécois, sommes apparemment épargnés par le crime puisque nous aimons bien nous considérer plus progressistes en ce domaine que ne le sont, par exemple, les Canadiens anglais. Ou les Américains. Ou Stephen Harper. La répression, très peu pour nous. Ici, on parle dialogue, prévention et réhabilitation!

Mais serait-ce en train de changer? Certains événements, dont la saga des «criminels à cravate», le laissent croire.

Pour la première fois, en effet, la tendance dominante de l'opinion publique a été de réclamer, contre les Vincent Lacroix et autres Earl Jones, des peines de prison d'une sévérité à faire pâlir un vieux juge évangéliste et républicain du Texas! Le second, Jones, a même été physiquement agressé à sa sortie du palais de justice - laissé sans protection, il aurait été lynché. Se souvient-on que, jadis, il était vu comme progressiste de plaider que les crimes commis sans violence ne méritent pas, ou peu, de prison?

Il faut croire que de se faire voler sa pension de vieillesse peut fabriquer instantanément un conservateur!

D'ailleurs, on aura aussi remarqué que la hargne à l'endroit des criminels violents a monté d'un cran. Ainsi, après des agressions particulièrement sordides contre des femmes, des enfants ou des vieillards, la télé déniche invariablement un «homme de la rue» (ou une femme) disposé à plaider pour l'application en ces cas de châtiments inusités et cruels, sinon pour la peine de mort...

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L'alcool au volant, c'est pareil.

Chacun comprend que le conducteur ivre est un danger public qui doit être repéré et traîné en cour. Pourtant, il est étrange que peu de réactions négatives (pas même de la part du Bloc québécois) aient accueilli, cette semaine, l'annonce d'un nouveau projet du gouvernement Harper: celui de donner à la police le droit de soumettre à l'alcootest des automobilistes interceptés au hasard, sans devoir invoquer les «motifs raisonnables de croire» prescrits jusqu'ici.

Or, il y a un os. Et même plusieurs.

D'abord, une telle loi survivrait difficilement à un examen par la Cour suprême.

Ensuite, comment un citoyen soucieux de l'intégrité de ses droits fondamentaux pourrait-il accepter de donner aux forces de l'ordre un tel pouvoir? Car il s'agit bel et bien de nier la présomption d'innocence et d'inverser le fardeau de la preuve: en pratique, tout conducteur serait présumé fin soûl et devrait souffler dans la «balloune» pour prouver qu'il ne l'est pas!

Enfin, le précédent étant créé, ne serait-on pas tenté d'étendre ce passe-droit à d'autres infractions, en d'autres lieux, en d'autres circonstances?

Même le plus chaud partisan de la loi et de l'ordre devrait y réfléchir.