Le dernier rêve du dernier homme. C'est le thème du spectacle scénique que vont présenter de grands créateurs québécois en janvier 2010. Le titre? Paradis perdu. «Les gens vont vivre une fin du monde», promet le metteur en scène, Dominic Champagne.

Deux mois plus tôt, dès novembre, on aura vu le film 2012 décrivant une autre fin du monde à laquelle peu survivront.

 

Entre-temps, on peut lire le roman de Margaret Atwood, The Year of the Flood (pas encore traduit), dont l'action se déroule après une catastrophe planétaire. On peut même retourner à une oeuvre antérieure d'Atwood, Le dernier homme (2005), celui-ci ayant survécu à une catastrophe écologique planétaire, bien entendu. Après tout cela, il ne restera plus qu'à voir le tout récent film L'Âge de la stupidité (cet âge, c'est le nôtre; les stupides, c'est nous), dans lequel un homme, seul, a survécu à une... catastrophe écologique planétaire. Et à relire La Route, roman que Cormac McCarthy situe dans, devinez quoi, les décombres d'une catastrophe planétaire!

Effet de mode? Pas si simple. Ou alors, c'est une mode qui dure.

L'Antiquité avait ses apocalypses. La Bible, son jugement dernier. Il y a 40 ans, dans La Planète des singes, l'humanité s'est suicidée par l'atome, qui incarnait alors tout le mal dont les humains sont capables. Cette façon de s'autodétruire connut son heure de gloire en 1983 avec la théorie de l'hiver nucléaire exposée dans Le Jour d'après... un jour après lequel il s'avéra surtout que la théorie de l'hiver nucléaire était fumeuse.

Par la suite, on a tenté le coup du refroidissement de la planète dans un autre Jour d'après, dans lequel un énorme navire se fige dans la glace, angle Broadway et 42e Rue à New York! Aujourd'hui, on le sait, c'est le réchauffement de la planète qui inspire tous les fantasmes populaires d'autodestruction.

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Ce phénomène mystifie.

D'abord, on n'a jamais vu de campagne d'une telle ampleur. À ce point que, par effet de saturation, le sermon écolo «coule maintenant sur le dos des gens», concède le militant Jean Lemire, qui participe au Paradis perdu. De fait, on sent le sarcasme pointer. Les termes pas très flatteurs de «réchauffiste» et d'«éco-exhibitionniste» apparaissent dans le langage populaire pour désigner les gens qui en font trop...

Mais surtout: comment le cycle biblique du péché mortel, de la punition divine et du feu de l'enfer est-il parvenu à s'incarner de façon aussi parfaite dans l'imagerie médiatique, artistique et littéraire du XXIe siècle? C'est là que réside le plus grand mystère.

Un jour, c'est surtout sous l'angle culturel que le... dernier historien étudiera les épisodes passés de changement climatique.