Ces dernières semaines, il y avait deux discours chez les libéraux de Jean Charest à propos de l'élection partielle tenue lundi soir dans Rousseau.

Le discours officiel, appuyé par le va-et-vient des limousines de ministres dans la circonscription (et même de celle du premier ministre, deux fois): le Parti québécois est vulnérable, Rousseau est prenable et on va tout faire pour le prendre.

Et le discours non officiel, cynique à souhait: si le PQ échappe Rousseau, Pauline Marois va se retrouver dans le pétrin dans son parti et, nous, on veut garder Pauline Marois en face le plus longtemps possible. Donc, pas trop d'efforts dans Rousseau.

Où est la vérité? Probablement quelque part entre ces deux discours. Les libéraux auraient bien aimé prendre la forteresse de Rousseau. Pas un parti ne rechigne à faire des gains en territoire ennemi. Jean Charest aurait été bien fier d'arriver au conseil général de son parti, cette fin de semaine à Drummondville, avec un nouveau député.

Les libéraux ont même été tentés d'y croire, encouragés par un bon taux de participation au vote par anticipation (généralement favorable aux libéraux).

Par contre, les libéraux «aiment» vraiment Pauline Marois, qu'ils jugent en grande partie responsable de leurs succès dans les sondages. Ils savent fort bien que la situation serait devenue intenable pour la chef du PQ si elle avait perdu dans ce fief péquiste.

Perdre Rousseau aurait été, pour Pauline Marois, aussi néfaste que la défaite des libéraux fédéraux dans Outremont pour Stéphane Dion, lors d'une partielle en septembre 2007.

Mme Marois avait donc raison de dire lundi soir qu'il s'agit d'«une vraie victoire», façon de dire qu'elle a évité une vraie catastrophe.

Au PQ, il n'y avait d'ailleurs qu'un seul discours depuis le premier jour de la campagne dans Rousseau: on met toute la gomme pour gagner.

On peut penser raisonnablement penser que les problèmes éthiques du gouvernement, la démission de l'ancien ministre du Travail, David Whissell, et l'imposition intempestive du bâillon la semaine dernière n'auront pas aidé les libéraux dans Rousseau, mais avec une majorité de plus de 4000 voix, il s'agit, en effet, d'une «vraie» victoire du PQ.

Encore une fois, le taux de participation est plutôt gênant (30%), ce qui démontre que les libéraux, comme les péquistes, n'ont pas besoin de mobiliser beaucoup de monde pour gagner dans leurs châteaux forts.

La catastrophe, c'est du côté de l'ADQ qu'elle a frappé. Moins de 5% dans une circonscription que l'ADQ a failli prendre il y a deux ans, c'est toute une gifle. Une gifle coûteuse pour l'image de l'ADQ, mais aussi pour ses finances, puisqu'un candidat doit obtenir au moins 15% pour avoir droit au remboursement de ses dépenses électorales.

Aux élections générales de 2007, Jean-Pierre Parrot (le même candidat en 2008 et lundi) avait fini deuxième avec 38% du vote et seulement 1410 votes de moins que François Legault.

Cette fois, c'est la déconfiture. L'ADQ a évité de peu la honte de finir quatrième, derrière Québec solidaire.

Le score dans Rousseau confirme la marginalisation d'un parti empêtré dans une course à la direction grand-guignolesque et voué à une mort lente.

Qui voudra encore se présenter (et payer de sa poche) pour un parti qui n'arrive pas à franchir les 5% dans une «bonne» circonscription?

La partielle de Rousseau marque en quelque sorte le retour à la «normale» sur la scène politique québécoise: deux partis dominants, des châteaux forts inébranlables pour chacun de ces deux partis et entre le 450, Québec et le 819, une quarantaine de circonscriptions qui font ou défont le gouvernement.

La performance famélique de Québec solidaire (4,39% du vote), par ailleurs, confirme que ce parti, malgré l'élection d'un premier député en décembre, reste un microphénomène circonscrit entre le boulevard Saint-Laurent, l'avenue Papineau et les rues Rachel et Jean-Talon.

Et les verts? Ah oui! leur chef, Guy Rainville, a fini cinquième, avec 3%...