Depuis janvier, Revenu Canada serait devenu plus sévère envers les contribuables qui ont omis de déclarer les revenus qu'ils encaissent sur les placements effectués à l'étranger, plus particulièrement dans les paradis fiscaux.

C'est ce qui expliquerait, selon l'avocat Paul Ryan, du bureau Ravinsky Ryan Lemoine, pourquoi les délinquants nantis de l'impôt, qui pourraient être intéressés à effectuer une divulgation volontaire pour régulariser leur situation fiscale, se montrent cette année nettement plus récalcitrants. Nombre d'entre eux préfèrent, explique Me Ryan, continuer à jouer à cache-cache avec Revenu Canada au lieu de rapatrier leur fortune cachée dans les paradis fiscaux et se faire lourdement imposer. Il sait de quoi il parle. Comptant plus de 25 années d'expérience en litige fiscal, Me Ryan a défendu au fil du temps une multitude de clients qui ont eu des démêlés avec le fisc.

Quel est ce durcissement d'attitude de la part de Revenu Canada?  Au cours des dernières années, explique Me Ryan, les gens qui acceptaient d'effectuer une divulgation volontaire de leurs revenus étrangers non déclarés réussissaient à s'en tirer avec une charge fiscale de quelque 38% de la somme rapatriée au pays.

Exemple: supposons qu'un contribuable voulait rapatrier un investissement d'un million caché dans un des paradis fiscaux et pour lequel il n'avait jamais payé un cent d'impôt sur les revenus. Il lui suffisait d'effectuer une divulgation volontaire à Revenu Canada  pour s'en tirer avec une facture d'impôt de l'ordre de 38% sur la somme rapatriée, soit 380 000$ par million de dollars rapatrié au pays. Revenu Canada, ajoute Me Ryan, partageait par la suite cette recette fiscale avec le fisc provincial, kif-kif.

Comme les ententes de divulgation volontaire se concluaient sur la base d'un impôt final de 38%, cela représentait par le fait même une méchante bonne aubaine pour les fraudeurs bien nantis. En effet, les riches contribuables honnêtes paient, eux, un taux d'imposition combiné (fédéral, provincial) allant, selon la province, de 46 à 48%  sur la tranche de revenu imposable dépassant les 125 000$.

Craignant se faire accuser d'accorder un traitement de faveur aux délinquants fiscaux, les autorités fiscales canadiennes, précise Me Ryan, ont décidé qu'il fallait se montrer plus exigeantes envers les riches fraudeurs qui veulent se repentir en vue de rapatrier au pays leur fortune gelée dans un paradis fiscal.

Me Ryan estime qu'une pénalité totale et finale de 38% sur la somme rapatriée représentait en soi un bon incitatif pour ramener dans le droit chemin fiscal les riches contribuables qui effectuaient de leur propre chef une divulgation volontaire sur les placements camouflés à l'étranger.

En augmentant la charge fiscale à 48% ou plus sur les sommes rapatriées de l'étranger, Me Ryan croit que les autorités fiscales se pénalisent elles-mêmes puisque les divulgations volontaires, à ses yeux, vont fortement chuter. Bon nombre de fraudeurs fiscaux préfèrent rester dans l'illégalité, à moins qu'ils sentent la main du fisc se rapprocher de leur butin.

Me Ryan trouve que Revenu Canada est en train de rater une occasion en or de rapatrier au pays les sommes colossales que de riches canadiens délinquants  détiennent dans les paradis fiscaux. 

Pourquoi le moment lui apparaît-il si opportun ? Parce que si vous détenez des placements cachés dans les paradis fiscaux, il se peut fort bien que cela vous fasse faire des cauchemars en raison des facteurs suivants :

-les scandales financiers à la Madoff, Jones et Lacroix démontrent à quel point l'argent est volatil ;

-l'étanchéité du secret bancaire tant dans les institutions suisses que dans les paradis fiscaux n'est plus un gage de protection contre le fisc ;

-la crise financière qui a secoué les marchés financiers entre septembre 2008 et mars dernier a prouvé à quel point de le monde la finance est vulnérable ;

-la contre-performance des gestionnaires de fonds étrangers a fait perdre des milliards de dollars aux riches investisseurs.

-Pour les autorités fiscales, la question de l'heure est la suivante : est-il préférable d'encaisser immédiatement 38% d'une somme qui était cachée dans un paradis fiscal ou attendre de pincer moins de délinquants en vue de leur charger 48%, plus des pénalités ? 

Si le poids des « investisseurs « canadiens dans les paradis fiscaux équivaut à celui (3%) de la Bourse canadienne dans l'ensemble planétaire des marchés boursiers, cela laisse présager que nos « riches « détiendraient des placements d'au moins 300 milliards de dollars dans ces opaques royaumes de la finance. En passant, il n'est pas illégal de détenir des placements à l'étranger, fussent-ils des paradis fiscaux. Mais comme les Canadiens sont imposés sur leurs revenus de toute provenance, il faut déclarer les revenus tirés de l'étranger. 

Cependant, au nombre de ces riches canadiens qui détiennent des placements à l'étranger, plusieurs ont malheureusement des troubles de mémoire, les « empêchant « ainsi de déclarer leurs revenus étrangers. Pas facile de se souvenir de ses placements dans les paradis fiscaux!

Afin d'aider ces riches délinquants canadiens à guérir leurs problèmes de mémoire, les autorités fiscales canadiennes espèrent que la divulgation de la fameuse liste des clients de la banque suisse UBS soupçonnés d'avoir caché des revenus au fisc américain et français leur fassent suffisamment peur pour passer le plus tôt possible aux aveux.