Chez les artistes, la frontière entre engagement et propagande est souvent floue. Mais il arrive aussi qu'elle soit tout à fait nette. Et que l'artiste, chanteur ou cinéaste, photographe ou poète, se trouve de façon certaine et évidente du mauvais côté de la clôture.

Par exemple, comment peut-on attribuer un prix à une oeuvre aussi orientée, comme l'ont constaté tous les critiques, que The Everlasting Flame : Beijing Olympics 2008, de la cinéaste Gu Jun ? C'est pourtant ce qu'a fait, cette semaine, le Festival des films du monde de Montréal, avalisant ainsi le message du régime chinois.

 

Et comment juger l'apparition à la 66e Mostra de Venise du très « oscarisé « Oliver Stone débarquant avec le héros de son dernier film, Hugo Chavez, pour célébrer à l'unisson la « révolution pacifiste « bolivarienne ?

Certes, le président du Venezuela n'a pas traversé l'Atlantique uniquement pour ça. Il a surtout poursuivi ses emplettes d'armement russe, dont 100 000 kalachnikovs, ces fusils devenus légendaires en raison de leur effet pacificateur lorsqu'employés dans le cadre de toute bonne révolution ! Mais tout de même : la présence de Chavez à Venise au bras de Stone a fait rudement plaisir aux cinéphiles avertis agglutinés au Lido. Les deux hommes et « leur « documentaire, South Of The Border, ont été ovationnés... alors que ces mêmes cinéphiles avertis auraient sûrement pendu haut et court tout cinéaste venu, en compagnie de Stephen Harper, présenter un éventuel North Of The Border destiné à canoniser le premier ministre canadien !

Cette improbable perspective fait bien rigoler, n'est-ce pas ?

C'est que, de fait, il existe une bonne et une mauvaise propagande. Et c'est l'opinion dite éclairée qui, seule, sait faire la différence. Elle n'a d'ailleurs pas tardé à réagir en dénonçant la propagande offerte au festival du cinéma, non pas de Montréal ou de Venise, mais de... Toronto !

C'est en effet au TIFF (Toronto International Film Festival) qu'on présente à compter d'aujourd'hui une série de 10 films tournés par des juifs. À l'encontre de ceux-ci, Jane « Hanoï « Fonda, Naomi « No Logo « Klein et une belle brochette d'artistes, évidemment engagés, ont lancé un appel au boycottage pour cause de propagande. À Ramallah, hier, des artistes palestiniens se sont joints à eux.

Les films incriminés sont projetés dans le cadre du programme « City To City « qui, chaque année, mettra en vedette une ville du monde ; pour l'inaugurer, on a choisi Tel-Aviv, qui célèbre son 100e anniversaire. Parmi les oeuvres, on trouve des documentaires sur le cinéma et la contre-culture, une comédie, des fictions dramatiques ou sociales.

Aucun n'obtiendra de prix. Aucun n'est dédié à la gloire du régime israélien ou du premier ministre Benyamin Nétanyahou. Celui-ci ne débarquera pas à Toronto au bras de l'un ou l'autre des cinéastes. Aucun de ceux-ci n'est l'équivalent israélien d'une Gu Jun ou d'un Oliver Stone...

Peu importe.

Les films juifs, déclarés coupables de l'équivalent artistique d'un délit de faciès, ne doivent pas être vus, point final. L'opinion dite éclairée en a décidé ainsi, s'avérant encore une fois dogmatique, poseuse, conformiste, moutonnière et friande de censure.

Comme, hélas ! elle l'est toujours.