Le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, a annoncé en termes non équivoques qu'il ne soutiendrait plus le gouvernement conservateur. Cela veut dire que nous aurons probablement encore des élections à l'automne.

Ces élections, un an après les précédentes, la plupart des citoyens n'en veulent pas. On peut maugréer. Mais ces élections étaient probablement inévitables. Au mieux, elles auraient pu être retardées de quelques mois.

 

Nous sommes condamnés à des élections à répétition, essentiellement parce que nos traditions parlementaires et nos institutions politiques ne sont pas conçues pour des gouvernements minoritaires viables. Et parce que nous n'avons pas encore appris à fonctionner correctement dans cet environnement imposé par la division des forces politiques.

Le plus bel exemple du fait qu'on s'est mal ajusté à cette réalité nouvelle, c'est l'impasse dans laquelle se retrouve M. Ignatieff. S'il renverse le gouvernement, on lui en voudra de nous replonger dans des élections. Mais s'il ne le renverse pas, on lui reprochera de soutenir le gouvernement Harper. Il paiera un prix pour provoquer des élections. Mais le prix pour ne pas le faire aurait sans doute été plus élevé. Vive la logique collective.

Dans notre système politique, le choix de déclencher des élections ne repose pas sur des grands principes ou sur des élans démocratiques. Il repose sur un calcul politique. En temps normal, quand le gouvernement est majoritaire, c'est le premier ministre qui choisit la date du scrutin en fonction de ses intérêts partisans. Cette pratique, M. Harper avait promis de l'abandonner au profit d'élections à date fixe, une promesse qu'il a brisée en déclenchant des élections l'automne dernier.

Quand le gouvernement est minoritaire, l'opposition peut, elle aussi, choisir le moment des élections. Dans ce cas-ci, il est assez évident que les libéraux renverseront le gouvernement s'ils estiment avoir les meilleures chances de remporter le scrutin. Les conservateurs font le même exercice, et voudront peut-être des élections encore plus que les libéraux, s'ils pensent renforcer leur position.

Est-ce antidémocratique? Pas du tout. Les élections à répétition agacent les citoyens, mais ne trahissent pas leur volonté. Il n'est pas vrai, comme on l'entend trop souvent, que les Canadiens ont voulu des gouvernements minoritaires. Le fait que nous ayons eu trois gouvernements minoritaires consécutifs n'est pas un choix, mais la résultante du fractionnement des voix.

Est-ce que ces élections seraient futiles? Non, car il est clair que les deux principaux partis proposent des programmes, des styles, des valeurs et des visions assez différentes pour qu'il y ait matière à débats.

Est-ce qu'elles comportent un risque? Pas davantage. L'argument voulant que des élections menacent la stabilité économique, comme le disent les conservateurs, n'est pas convaincant. Nous ne sommes pas en Afghanistan. Les élections ne provoquent pas le chaos. Un changement de gouvernement ne déclencherait pas non plus de virage brutal. Tout au plus, quelques semaines d'inertie gouvernementale, aux effets limités parce que les programmes de sortie de crise sont en place.

Ces probables élections risquent cependant de ne pas pouvoir régler le problème de fond. Si nous avons des élections à répétition, c'est aussi parce que les forces politiques essaient de revenir à l'équilibre, c'est-à-dire un gouvernement majoritaire.

Mais pour l'instant, rien n'indique que les deux principaux partis, à égalité, soient capables d'obtenir la majorité des sièges. Ces élections probables ne seront donc qu'un épisode dans ce qui est devenu l'équivalent politique de la souque-à-la-corde.