De Laval à Longueuil, de Repentigny à Châteauguay, les élus locaux auront beau s'efforcer de proclamer le contraire, les quatre régions qui forment la banlieue de Montréal, c'est-à-dire Laval, Lanaudière, les Laurentides et la Montérégie, souffrent toutes intrinsèquement d'anémie économique.

Autrement dit, dans les quatre cas, le dynamisme économique local est largement insuffisant pour créer de l'emploi pour tout le monde, et à plus forte raison des emplois de qualité. Dans Lanaudière, la plus mal en point des quatre régions, le produit intérieur brut (PIB) par habitant est même inférieur à celui de la Gaspésie, la région la plus pauvre du Québec!

Le découpage administratif du Québec fait que les régions de Lanaudière, des Laurentides et de la Montérégie comprennent de vastes territoires parfois très éloignés de Montréal, mais une écrasante majorité de leurs résidants vivent en périphérie immédiate de Montréal. Quant à Laval, c'est essentiellement une ville de banlieue, même si elle a le statut de région administrative distincte.

Toujours est-il que si la banlieue réussit malgré tout à maintenir un niveau de vie comparable à celui du reste du Québec, ce n'est pas à cause de sa vigueur économique, mais à cause de la ville centre et des emplois qui s'y trouvent.

Pour mieux comprendre la faiblesse des économies de la banlieue, il faut faire la différence entre le revenu personnel disponible et la valeur de la production, c'est-à-dire le PIB.

Les plus récentes séries de chiffres de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), publiées la semaine dernière, nous apprennent que le revenu personnel disponible par habitant, dans l'ensemble du Québec, se situe à 25 494$ (1).

Le revenu personnel disponible comprend les revenus de toutes provenances (salaires, caisses de retraite, prestations sociales, revenus de placement et de location) moins les taxes, impôts et contributions sociales. Ainsi, un Lavallois qui travaille et qui reçoit son salaire à Montréal ajoute ce montant à son revenu personnel, ce qui contribue à faire grimper la richesse de Laval...

À Montréal et dans les quatre régions de la périphérie, le revenu personnel disponible oscille entre 26 605$ et 24 222$. Donc, à quelques poussières près, plus ou moins au même niveau que la moyenne québécoise. Le problème ne se situe pas là.

Le portrait change radicalement lorsque l'on considère la taille des économies régionales.

Le PIB mesure la valeur de l'ensemble des biens et services produits sur un territoire donné. Ainsi, le PIB du Québec est de 283 milliards, ou 36 542$ par habitant.

Le PIB donne une idée du niveau de vie d'une société, mais c'est un outil qu'il faut manier avec précaution. Ainsi, dans la région de Lanaudière, le PIB se situe à 10 milliards, ou 22 142$ par habitant, le plus faible niveau au Québec.

Est-ce dire que les Lanaudois sont presque deux fois plus pauvres que les autres Québécois? Certainement pas! Comme on vient de le voir, leur revenu personnel soutient parfaitement la comparaison.

En revanche, le PIB nous donne une excellente image de l'activité économique d'une région, de son dynamisme entrepreneurial, de sa capacité à créer de l'emploi localement et, dans la mesure du possible, des emplois de qualité.

Il saute aux yeux que Lanaudière n'y parvient pas, et que la région doit remercier Montréal pour son niveau de vie relativement élevé. Même chose pour la Montérégie, où le PIB par habitant n'atteint que 30 776$, Laval (30 487$) ou les Laurentides (28 378$). Tous des chiffres bien en deçà de la moyenne québécoise, et qui font clairement ressortir l'atonie économique de la banlieue.

À Montréal, par contre, le PIB par habitant bondit à 52 883$, presque deux fois plus qu'en banlieue. Encore ici, cela ne veut pas dire que les Montréalais sont deux fois plus riches. Leur revenu personnel disponible est à peine supérieur à la moyenne provinciale. En revanche, ce chiffre indique clairement que c'est à Montréal même que se trouve le moteur de l'économie québécoise, le plus important réservoir de dynamisme entrepreneurial ainsi que les meilleurs emplois, en nombre et en qualité, qui viennent avec. En fait, la ville centre (et les quelques autres municipalités situées dans l'île de Montréal) compte à elle seule pour 35% du PIB québécois, même si elle n'abrite que 24% de la population.

À lui seul, le PIB de Montréal (99 milliards, l'équivalent du PIB de pays comme le Vietnam ou le Maroc) fait facilement deux fois celui de la Montérégie, sept fois les Laurentides, huit fois Laval, dix fois Lanaudière.

Quand on parle de la «locomotive Montréal», c'est de cela dont il s'agit.

(1) Tous les chiffres, dans cette chronique, proviennent de l'ISQ.