Le dernier sondage CROP-La Presse réservait d'excellentes nouvelles au premier ministre Jean Charest. Le taux de satisfaction à l'égard de son gouvernement est élevé, à 51%. Les libéraux devancent très confortablement leurs adversaires péquistes dans les intentions de vote, 44% contre 33%.

Ces bonnes dispositions de l'opinion publique constituent, pour le gouvernement libéral, une occasion en or. Les libéraux, encore en début de mandat, disposent ainsi d'un capital de sympathie et d'une marge de manoeuvre qui leur permettent d'agir. Cette solide avance dans les sondages est un outil, un atout qu'il ne faut pas gaspiller.

 

Le gouvernement Charest, comme à peu près tous les gouvernements de la planète, aura devant lui des années très difficiles, où il devra faire face à la crise des finances publiques engendrée par le combat contre la récession. Cette crise sera particulièrement prononcée au Québec où la situation financière était déjà fragile.

Ces défis forceront le gouvernement du Québec, comme tous les autres, à prendre des décisions impopulaires. Pour s'imposer et passer à travers, il faut avoir les reins solides. Un gouvernement minoritaire n'y serait sans doute pas parvenu. Il n'est pas évident non plus que le gouvernement Charest pourrait réussir s'il n'avait pas été capable de rompre avec la morosité qui a suivi sa victoire électorale de l'an dernier. Le premier ministre avait peut-être les mains sur le volant, pour reprendre son expression, mais ne contrôlait ni le frein, ni l'accélérateur.

Au Québec, les problèmes financiers sont assez sérieux pour que la résolution de la crise budgétaire dépasse le cadre strict des finances publiques. Ce n'est pas seulement une affaire d'impôts, de tarifs ou de compressions, mais une démarche plus substantielle qui nous forcera certainement à repenser la façon dont l'État joue son rôle.

Le premier ministre Charest, à la sortie d'une réunion de son caucus, au début de la semaine, en annonçant une vaste consultation publique sur les finances, a mis la table pour une réflexion bien plus large. La question qu'il veut poser, «Où le Québec veut-il se retrouver dans 20 ans sur le plan économique et social?», est ambitieuse. Mais c'est de cela dont il s'agit.

On pourrait cependant craindre qu'il s'agisse d'un remake. On se souvient que les ambitions de réformes des libéraux, lorsqu'ils ont pris le pouvoir il y a six ans, ont tourné en queue de poisson, à cause des maladresses du nouveau gouvernement et aussi de la levée de boucliers qu'il a provoquée. Et ils se sont retrouvés minoritaires quatre ans plus tard.

Les libéraux, cette fois-ci, pourraient réussir là où ils avaient échoué parce qu'ils disposent de trois avantages sur lesquels ils ne pouvaient pas compter il y a six ans: la nécessité, l'expérience, et le rapport de forces politique.

La nécessité, c'est la période exceptionnelle que nous venons de traverser, où il sera possible de convaincre les citoyens qu'on n'a pas le choix. L'expérience, par ailleurs, permettra aux libéraux de ne pas commettre les mêmes erreurs, de travailler de façon plus consensuelle au lieu de braquer inutilement. Le fait que M. Charest annonce un grand «dialogue», un peu comme l'avait fait Lucien Bouchard, montre bien que le premier ministre a changé de méthode. Quant au rapport de forces, c'est ce que le CROP décrivait, un gouvernement bien en selle face à une opposition affaiblie.

En somme, le premier ministre Charest a le choix dans l'orientation de son troisième mandat. Il peut «surfer» quelques années en espérant en obtenir un quatrième. Ou il peut profiter de son expérience et de la marge de manoeuvre dont il dispose pour laisser sa marque.