Les élèves rentrent en classes. Et l'enseignant qui les accueillera sera probablement une enseignante - une probabilité de 62,5 à 98% selon le niveau, de la maternelle à la fin du secondaire. Or, ce déséquilibre s'accentuera encore dans l'avenir car les hommes qui étudient pour devenir enseignants sont de plus en plus rares: à l'Université Laval, ils sont moins de 6%!

Le phénomène est particulièrement marqué au Québec, mais il est presque universel.

Du Canada dans son ensemble au Royaume-Uni, les instituteurs ne composent que 13 à 16% du personnel enseignant au niveau élémentaire. Aux États-Unis, la proportion d'enseignants mâles dans les «K-12» (maternelle, primaire, secondaire) où ils étaient déjà minoritaires, a chuté de plus de 13 points de pourcentage depuis 1971. En Australie, on a dû offrir de généreuses bourses aux hommes qui embrasseraient cette vocation!

 

De l'enseignement, il arrive maintenant qu'on dise qu'il est devenu un «club privé féminin».

De fait, «l'école rose favorise-t-elle les filles?» pour reprendre le titre d'un dossier monté à l'Université du Québec (Carole Schinck, dans Réseau).

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Rappelons ceci: les garçons réussissent beaucoup moins bien à l'école, décrochent infiniment plus, ont davantage de problèmes de discipline, sont plus «médicamentés», se rendent en moins grand nombre à l'université que les filles.

On a avancé diverses explications à cela. De doctes spécialistes ont même suggéré que les petits garçons sont entièrement responsables de leur malheur car, méchants garnements, ils cultivent des stéréotypes sexistes! (Humez le vieux fond de sauce idéologique mijotant dans certaines cuisines de l'instruction publique...)

Mais pour revenir sur terre et à la raison, on ne voit pas comment la mécanique de plus en plus sexuée de la transmission du savoir, jouant au désavantage des garçons, ne les blesserait pas. Empiriquement, cela a été mille fois démontré. «Je ne rêvais que d'arrêter l'école à 16 ans, tant je détestais ça. Mais j'ai ensuite eu la chance inouïe de rencontrer des profs qui donnaient aux gars le goût de travailler», dit (à Marie Allard, dans La Presse) le jeune Cédric Devouassoux, fraîchement diplômé en enseignement.

Est-ce qu'il faudrait instituer un système de discrimination positive en faveur des hommes? Ce serait un dernier recours un peu détestable.

Cependant, il faut certainement «masculiniser» le milieu de l'éducation (comme le milieu de la santé que, depuis le rapport Rondeau, on sait rébarbatif à la moitié mâle de l'humanité). Et ce, en proposant des valeurs qui se détacheraient des prêches convenus et en élargissant l'espace de liberté alloué aux instituteurs et aux garçons.

Bref, en présentant aux élèves et aux aspirants professeurs une société à transmettre, où les garçons et les hommes existeraient tels qu'ils sont et ne seraient pas condamnés à s'en sentir inférieurs ou coupables.