La vraie fatigue finit toujours par atteindre le cerveau. J'étais un partisan de Juan Martin Del Potro hier. Pour diverses raisons. D'abord parce qu'il est le chouchou de ma blonde et qu'elle allait presque pleurer s'il perdait. Et ensuite parce que j'aime ce grand garçon de 20 ans qui frappe la balle avec une force inouïe et qui, malgré son jeune âge, comprend bien le jeu.

Et puis parce que j'aime l'Argentine et que Buenos Aires est une ville merveilleuse qui rappelle Paris, avec ses grands boulevards. Et puis, quand un gars de 20 ans vient de l'Argentine et que l'autre de 22 ans vient de l'Écosse, les raisons d'être partisan sont multiples et pas toujours évidentes.

La dureté du mental, nous a expliqué Marc Messier dans Les Boys. À un moment donné dans le deuxième set, alors que Del Potro était en avance et au service, il a réussi un amorti splendide, bien placé, court, tout ce qu'il fallait. Tous les coachs de tennis vont vous dire qu'après un amorti bien réussi, il faut se ruer au filet au cas où l'adversaire se rendrait à la balle.

Del Potro a regardé tomber sa balle et est resté à l'arrière de la ligne de fond. Murray a réussi à retourner la balle d'une touche et quand Del Potro s'est élancé vers la balle, c'était trop tard.

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J'étais dans la loge de François Castonguay, président d'Uniprix, qui avait penché en faveur de Murray avant le match. J'ai fait un signe de tête pour montrer mon inquiétude. Ce qui venait de se passer n'avait qu'une explication. Del Potro avait eu un court-circuit dans le cerveau. Trop fatigué pour courir au cas où, il avait préféré prendre le risque de perdre le point plutôt que d'avoir mal aux jambes et aux poumons. François a souri. Les engagements qui ont suivi n'ont fait que confirmer sa bonne humeur, Del Potro s'est mis à laisser filer des points pour se ménager, pour conserver son énergie pour le bris d'égalité.

C'était trop peu et c'était trop tard. Il n'avait plus rien. Sa gestuelle était éclatante tellement elle en disait long. Soupirs, marche pour aller chercher une serviette, regards vers les cieux, gestes d'impatience, tout montrait l'épuisement. Vidé, crevé, incapable de viser les lignes, incapable d'élaborer une stratégie quelconque, ce n'est que sa fierté d'homme qui l'a incité à se rendre au bout de la torture. Il avait perdu après le deuxième set et il le savait. Même à 20 ans.

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Peut-être que Del Potro a perdu le match la veille. Ça se peut fort bien, si j'en crois l'opinion de spécialistes avec qui j'ai abordé la question après le match. Andy Murray a complété son match contre Jo-Wilfried Tsonga avant quatre heures, samedi après-midi. Alors que Del Potro a quitté le court central après sa victoire très difficile contre Andy Roddick tard en soirée. Ces cinq ou six heures de repos ont fait une grosse différence.

De plus, Del Potro avait gagné la finale, dimanche dernier à Washington, dans une chaleur d'étuve. Il avait une dizaine de matchs dans les jambes en deux semaines. Ce n'est pas pour rien que ses premières balles de services étaient passées de 215 km/h à 185 dans le troisième set. Plus de jus, plus de ressort.

Cela dit, il ne faut rien enlever de son mérite à Andy Murray. Ce gaillard ne s'est pas rendu au deuxième rang du classement mondial grâce à ses sourires. Il retourne très bien les services, il excelle en défense et maîtrise parfaitement la géométrie du court. Quand il perd un point, ce n'est pas parce qu'il a mal joué, c'est parce que l'adversaire a arraché et mérité le coup décisif. Murray ne fait jamais de cadeau sur un court.

C'est un beau vainqueur pour un beau tournoi. Plus de 200 000 spectateurs, un record de tous les temps pour un tournoi d'une semaine, la présence du premier ministre Jean Charest et de Marcel Aubut, président du Comité olympique canadien, de nombreuses vedettes et veuudettes dans les gradins, un soleil de plomb, que voulez-vous de plus?

Si je me fie aux nombreux courriels déjà reçus, la présence d'Yvan Ponton et d'Hélène Pelletier aux commentaires compléterait votre bonheur...

Ce qui ne veut pas dire que Louis Cayer ne s'y connaît pas. Mais on préfère le ton et la chaleur de la grande dame du tennis. Et Ponton est le maître incontesté au tennis. Une équipe à qui il est difficile de succéder.

Une bien belle semaine...