Mieux-être de l'immobilier américain et britannique. Regain d'énergie des manufacturiers. La Chine qui galope... Indéniablement, des signaux positifs apparaissent. Mais, au Royaume-Uni, on doute de la vigueur de la reprise mondiale.

Dixit Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne (BCE): «Nous approchons du moment où il y aura une reprise.»

Message semblable de la part de Washington - de Barack Obaba, qui dit: «Le pire est derrière nous» à Ben Bernanke, le patron de la Réserve fédérale, qui entrevoit des «pousses vertes»...

 

Même la Banque du Canada s'est laissé prendre au jeu en concluant à la fin de la récession.

Certes, les signes vitaux de l'économie s'améliorent et soulèvent l'enthousiasme des boursicoteurs. Mais jeudi dernier, la Banque d'Angleterre a ramené tout le monde sur terre en déclarant que le système financier britannique avait encore besoin d'une injection d'adrénaline.

Concrètement, la banque centrale dit qu'elle augmentera de 35% ses rachats d'actifs financiers à 175 milliards (270 milliards CAN). En bonifiant ainsi son plan «d'assouplissement quantitatif», mis en place en mars, la Banque espère donner de l'oxygène à l'économie du Royaume, qui en a bien besoin.

Le terme «assouplissement quantitatif» signifie qu'une banque centrale crée de la monnaie pour l'injecter dans l'économie en achetant des actifs, comme de la dette de l'État.

La décision du banquier de Sa Majesté intervient alors que l'économie britannique s'est contractée de 0,8% au deuxième trimestre. Un très mauvais résultat. Les autorités monétaires ont même reconnu, jeudi, que la récession est plus profonde qu'on ne croyait.

Le premier ministre Gordon Brown a aussi joué les rabat-joie, la semaine précédente, en prévenant les autres chefs d'État contre le risque d'être «complaisant» sur l'état de l'économie mondiale. «La reprise n'est pas garantie, que ce soit ici ou à l'étranger», a-t-il dit.

Crédit rare et déflation

Pourtant, des signes incontestables d'embellie sont apparus à l'horizon. Après plusieurs reculs, les prix de l'immobilier en Grande-Bretagne, par exemple, ont progressé de 1,1% en juillet. La production industrielle anglaise en juin a en outre dépassé les attentes.

Mais des problèmes sérieux persistent. Le crédit demeure rare. Les données officielles montrent que les prêts des banques britanniques, notamment aux entreprises, restent en recul.

D'autres indicateurs signalent que l'économie s'est tellement affaiblie pendant la crise que la déflation menace les îles britanniques, mais aussi le reste de l'Europe.

Les prix à la consommation dans le Vieux Continent ont en effet reculé de 0,6% en juillet, et les prix à la production de juin affichent une baisse de 6,6% - un record.

Une enquête de la BCE montre également que les banques européennes continuent à durcir les conditions du crédit, craignant de prendre des risques avec des clients fragilisés. En somme, l'engrenage financier a encore besoin d'huile.

Les Américains ne dépensent pas

Entre-temps, la consommation dans les pays occidentaux reste une inconnue, en Europe et surtout aux États-Unis.

Privés du levier de l'endettement, les Américains dépensent peu face à la dégradation du marché du travail.

Même si le rythme des licenciements ralentit, quelque 6,7 millions d'Américains ont perdu leur emploi depuis décembre 2007, a-t-on appris vendredi. Sans oublier que les revenus et le patrimoine des ménages diminuent.

Si bien qu'il faudra jusqu'à 15 ans avant que l'Américain moyen retrouve la santé financière d'avant la crise, a déclaré à l'agence Bloomberg le Prix Nobel d'économie 2006, Edmund Phelps.

Autrement dit, les Américains ne sont pas portés à la dépense et ne le seront pas avant un bout de temps. Sans compter que la hausse des prix des matières premières devient à cet égard une autre source d'inquiétude.

Une hausse du prix du brut, par exemple, à plus de 80$US le baril compromettrait la reprise américaine, prévient l'économiste Robert Dye, de la firme américaine FNC Financial Partners. Et un bond au-dessus des 100$US replongerait le pays en récession, prévient-il dans une étude.

La banque First American Funds, de Minneapolis, évalue d'ailleurs qu'une hausse d'un cent du prix de l'essence prive l'économie américaine de 1,3 milliard US.

Au concert des pronostics optimistes, il faut donc ajouter quelques bémols. L'économie est encore fragile, si bien que les gouvernements devront peut-être en faire plus pour soutenir les consommateurs, surtout américains. Des experts citent en exemple le populaire programme de la prime à la casse (Cash for clunkers), qui a propulsé les ventes d'autos aux États-Unis.

Morgan Stanley a même rehaussé ses projections pour l'économie américaine en réaction à la ruée de clients chez les concessionnaires. «Ce programme est plus efficace que tout ce que Washington a concocté jusqu'ici», renchérit le Crédit suisse dans une note économique.

Bref, l'économie va mieux. Mais les gouvernements devront encore veiller sur le patient.