Imaginons Anthony Calvillo et Saku Koivu attablés dans un bistro du Vieux-Montréal où ils se seraient rencontrés par hasard. Ils causeraient en anglais, bien sûr, ni l'un ni l'autre n'étant porté sur le français après plus d'une dizaine d'années à Montréal.

Qu'est-ce qu'ils diraient de nous, des médias, et des amateurs de sport montréalais en général? Ni l'un ni l'autre n'a été choyé malgré des beaux exploits au jeu et dans la vie de tous les jours. Deux hommes droits, exemplaires, décents...

Pourtant, ces deux grands athlètes ont toujours été les mal-aimés dans leur propre stade ou aréna.

Parlez de Calvillo dans une réunion de sportifs et la moitié des commentaires - affirmation pas scientifique du tout - seront négatifs. Calvillo est trop lent, il n'a plus de bras, il choke sous pression, incapable de gagner les matchs importants...

Koivu?

Mauvais capitaine, jaloux, pas rassembleur, pas assez costaud, il n'a jamais mené le Canadien bien loin en séries éliminatoires... Encore là, environ la moitié des commentaires seront tout de même positifs.

Calvillo et Koivu, c'est une cote d'amour de 50-50 à Montréal. Ils divisent.

Imaginons donc les deux hommes qui se rencontrent par hasard... Ils se demanderaient si toutes ces blessures, ces efforts dans la douleur, ces déceptions et ce courage devant les épreuves personnelles valaient la peine d'être vécus et surmontés.

Je ne suis pas certain qu'ils diraient seulement des gentillesses à notre sujet...

Le meilleur show en ville

Tout ça pour vous dire qu'Anthony Calvillo et les Alouettes offrent le meilleur spectacle en ville cet été. Le vieux chroniqueur de football et amateur de ballon ovale que je suis ne se souvient pas d'avoir vu une meilleure équipe. Aussi bonne, mais pas meilleure...

Les statistiques sont à couper le souffle. On dirait que les Alouettes sont trop forts pour la LCF. Certains observateurs vous diront que si l'entraîneur Marc Trestman était méchant, les scores seraient toujours très élevés en 2009.

Et puis quand les Alouettes ont sorti, il y a 10 jours, leur vieil uniforme rouge et blanc des années 60, avec casque ailé, j'ai craqué. Pour moi, les Alouettes seront toujours en rouge et blanc avec un casque ailé.

J'avais d'ailleurs remporté un casque semblable dans un concours, un casque en plastique, mais ailé et avec une barre protectrice, une seule, devant le visage. J'adorais ce casque, c'était mon objet le plus précieux. Je me disais aussi que c'était le casque de Hal Patterson. (Pour les jeunes lecteurs, Hal Patterson était un athlète extraordinaire qui captait les longues passes de Sam Etcheverry, était utilisé comme demi défensif et retournait les bottés.) Et quand on parle de spectacle, on parle bien sûr de Ben Cahoon, une sorte de mystère physique, un petit homme capable d'encaisser des coupes terribles en captant le ballon d'une main. Si Cahoon n'a pas de maux de tête quand il prendra sa retraite, il pourra se compter chanceux. En attendant, il nous en met plein la vue et on devrait le porter sur nos épaules.

Alors, vous voyez une attaque redoutable qui peut exploser à tout moment, mais ce n'est rien comparativement à la défense, qui est encore plus dominante.

Une grande équipe, en effet. Un grand coach aussi, si je ne me trompe pas. Un GRAND coach.

Dommage qu'il n'y ait pas plus de sièges au stade Molson...

Augmenter le son, S.V.P.

Les chroniqueurs sportifs américains, ceux de la presse écrite, ont l'habitude de dire: «Si vous êtes capables de parler sans arrêt pendant des heures sans dire quoi que ce soit de pertinent ni d'intéressant, une carrière de broadcaster à la télé vous attend...»

Vous admettrez que c'est un peu méchant et, surtout, qu'il y a des exceptions. Le duo Denis Casavant-Pierre Vercheval, de RDS, par exemple.

Tous sports et toutes langues confondus, ces deux-là n'ont rien à envier à qui que ce soit en Amérique. On se surprend à augmenter le son et à écouter attentivement ce qu'ils disent.

C'est qu'ils NOUS APPRENNENT DES CHOSES, tout simplement. Jamais de bavardage vide, jamais de tirades hystériques, les deux hommes sont calmes et bien renseignés.

Vercheval, qui a dû être enseignant à un moment de sa vie, nous explique très bien de l'intérieur un sport qui n'est pas simple.

Quand les Alouettes jouaient mal, il était sans pitié pour eux.

Et puis lorsque le spectacle est excitant, on sent que ce membre du Temple de la renommée a envie de jeter son micro, de descendre les gradins en courant et se jeter dans l'action. On voudrait le suivre...