On l'a vertement dénoncée, on s'est beaucoup amusé aux dépens de ceux qui l'habitent. De Serge Ménard à Nathalie Normandeau en passant par Louise Harel, les ministres des Affaires municipales ont promis de freiner son expansion. Et pourtant, la banlieue continue d'attirer de plus en plus de Québécois.

Selon les plus récentes projections démographiques de l'Institut de la statistique du Québec, les régions qui connaîtront la plus forte croissance de leur population au cours des 20 prochaines années se trouvent en banlieue de l'île de Montréal: Laval («29% de 2006 à 2031), Lanaudière («38%), Laurentides («34%) et Montérégie («22%). En 1991, 32% de la population du Québec habitait Montréal et sa banlieue; en 2031, cette proportion atteindra 39%.

 

Au sein de la région métropolitaine, l'île de Montréal continuera de subir une fuite vers la banlieue. Et c'est sans compter la croissance de la banlieue de Québec, de Gatineau et des autres villes de la province. Le Québec est déjà et sera de plus en plus une nation de banlieusards.

Pendant ce temps, des régions mythiques stagnent, voire se dépeuplent. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean comptait 292 000 habitants en 1991; il en aura perdu 37 000 en 2031. La Côte-Nord aura perdu 20 000 habitants, la Gaspésie 14 000, l'Abititi-Témiscamingue 14 000 et le Bas-Saint-Laurent, 10 000. Dans certaines de ces régions, l'exode a ralenti au cours des dernières années, mais cela s'explique par l'âge avancé des habitants qui restent. Dans deux décennies, 38% de la population de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine aura plus de 65 ans, comparativement à 21% dans l'île de Montréal. Il est sans doute bien vu qu'un gouvernement parle d'«occupation du territoire» (les libéraux ont même désigné un ministre responsable de ce dossier); quoi qu'ils disent, politiciens et fonctionnaires n'arriveront pas à contrer une tendance aussi lourde.

Quant à la «banlieusardisation» du Québec, elle ne se manifeste pas seulement par la croissance fulgurante de la population en périphérie des grandes villes. Le nombre d'emplois y augmente aussi, notamment les emplois manufacturiers (voir l'étude de Mario Polèse publiée par l'ISQ). L'offre de services commerciaux et culturels est désormais impressionnante, ce que symbolise à merveille le complexe Dix30 à Brossard.

Cette évolution amène son lot de défis. Par exemple: comment l'État québécois arrivera-t-il à payer à la fois pour garder ouverts écoles et hôpitaux dans des régions en déclin et pour en construire de nouveaux dans les régions en croissance?

De tels dilemmes ne changent rien aux faits: n'en déplaise à ses nombreux détracteurs, la banlieue a triomphé. Ce triomphe s'explique simplement: la banlieue correspond aux besoins, aux goûts et aux moyens financiers d'un très grand nombre de Québécois.

On n'arrivera pas à freiner ce mouvement; de toute façon, il est trop tard. Les instances publiques devraient plutôt consacrer leurs énergies à prendre des mesures permettant de rendre la vie en banlieue plus conforme aux exigences du développement durable, notamment en s'assurant que le territoire agricole soit vigoureusement protégé.

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