Est-ce un gage de succès boursier quasi assuré lorsqu'un prestigieux investisseur investit dans une société? En Bourse, rien ne nous assure qu'on fera de l'argent. Cela étant dit, quand un investisseur prestigieux investit de sa poche des sommes importantes, il croit de toute évidence qu'il réalisera un bon placement.

Maintenant, ce n'est pas le prestige d'une personne qui fait automatiquement d'elle un investisseur dont il faut suivre aveuglément les traces.

Prenons notre célèbre milliardaire Guy Laliberté. Il a beau être l'un des meilleurs producteurs de spectacles au monde avec son fabuleux Cirque du Soleil, en quoi cela ferait-il de lui un investisseur aguerri dans une petite société québécoise, comme Prestige Télécom? Que connaît-il de ce secteur et de ses perspectives?

Autre célèbre personnage: le milliardaire Warren Buffett. Il a beau être le plus riche investisseur de la planète, en quoi cela ferait-il de lui un excellent producteur de spectacles de Cirque (avec un grand «C»)? D'accord, le merveilleux monde de la haute finance a beau être un cirque (avec un petit «c») qui nous en fait voir de toutes les couleurs, l'expertise de Warren Buffett est certes hautement pertinente, particulièrement dans le secteur financier.

Quand le célèbre Buffett a investi en septembre dernier quelque 5 milliards US dans le sauvetage de la banque d'affaires Goldman Sachs, convenons que cela pouvait représenter potentiellement un bon choix de titre à acheter. L'investissement de Buffett a été réalisé à 115$US l'action. De plus, il a la possibilité d'investir une autre tranche de 5 milliards dans Goldman Sachs, et ainsi acquérir des actions additionnelles à 120$US.

Après avoir redressé sa situation financière, le titre de Goldman Sachs se négocie aujourd'hui autour des 155$US. Buffett passe de nouveau pour un génie de l'investissement. On oublie toutefois de souligner que, entre le moment où il a acquis ses actions de Goldman Sachs, à la fin de septembre, et le creux du titre, atteint à peine deux mois plus tard, le cours de l'action de Goldman Sachs était passé de 115$US à seulement 47,41$US. M. Buffett n'avait pas l'air génial en novembre dernier... Mais le temps lui a heureusement donné raison!

On résume. Lorsqu'il a investi 5 milliards dans Goldman Sachs, en septembre dernier, Buffett croyait faire un bon placement à prix raisonnable. Mais en Bourse, rien n'est acquis. La crise financière a fait chuter la valeur de son investissement de 60% en l'espace d'à peine deux mois. Depuis ce creux, Goldman Sachs a triplé de valeur. Mais compte tenu du prix qu'il a payé, le placement de Buffett n'a grimpé finalement que de 35%. C'est bien, mais convenons qu'il a payé ses actions très cher par rapport au creux de novembre dernier.

Revenons maintenant au placement de Guy Laliberté dans Prestige Télécom, une petite entreprise de Baie-d'Urfé, dans l'Ouest-de-l'Île, spécialisée dans la construction de réseaux téléphoniques avec ou sans fil.

Lorsque Prestige Télécom a annoncé, le 15 décembre dernier, que Guy Laliberté avait investi (par l'entremise de sa société Novare Holding) près de 10 millions de dollars dans cette petite société montréalaise inscrite à la Bourse de croissance de Toronto, l'action de celle-ci a littéralement explosé. Prestige Télécom (PR) avait fermé la journée en hausse de 51% par rapport à la veille, passant de 18,5 cents à 28 cents.

Un gain spectaculaire! Les actionnaires de la petite société ont vu poindre une lueur de fortune... Nombre d'entre eux se sont sans doute dit: si Guy Laliberté, un milliardaire, investit dans cette petite société, c'est parce que c'est potentiellement très bon. Comme placement, s'entend. Peut-être que ce sera effectivement le cas... un de ces jours.

Mais aujourd'hui, dans la vraie vie, l'action de Prestige Télécom ne se négocie qu'autour de 14 cents, soit exactement à la moitié du prix de fermeture de la mémorable séance du 15 décembre dernier.

Avec son investissement de 4,5 millions dans le capital-actions, Guy Laliberté est actuellement le deuxième actionnaire en importance de Prestige Télécom, avec un bloc de 18 millions d'actions, soit 15,2% des actions en circulation. Comme il les a payées 25 cents l'unité, son placement a fondu de 44%, ou de presque 2 millions de dollars. Laliberté détient également des billets convertibles en actions d'une valeur de quelque 4,8 millions de dollars. Le prix de conversion de ces billets? Il est de 31 cents l'action.

Ayant acquis en décembre 2008 Radian Communications Services, Prestige Télécom vise un chiffre d'affaires de 100 millions. Parole de Guy Laliberté rapportée dans le communiqué de Prestige Télécom du 15 décembre 2008: «J'ai choisi d'effectuer un placement privé au sein de cette société en ces temps financiers difficiles, car je crois que nous devons assurer un solide avenir aux entrepreneurs et actifs canadiens. De plus, je crois que Prestige Télécom a un potentiel de croissance intéressant.»

Une seule firme de courtage suit présentement le titre, soit Versant Partners. Sa recommandation? «À conserver», avec un prix cible de 20 cents.

Que les actionnaires de Prestige Télécom prennent leur mal en patience! Peut-être finalement qu'un Warren Buffett se cache dans «notre» Guy Laliberté. Je le leur souhaite!