Du Tour de France, j'aime deux choses: la France et la course quand il y en a une. Il n'y en a pas toujours une.

Je ne suis pas de ces gagas inconditionnels des forçats du Tour, oh là là! trois semaines de course, comme c'est dur! Oh là là! 4000 kilomètres à 40 de moyenne! Si vous avez vu le peloton (tout un peloton, oui!) monter le Tourmalet dimanche, vous avez sûrement noté que les forçats ne forçaient pas tant que ça.

Je ne suis pas non plus de ces spécialistes très pointus que chaque soubresaut du peloton fait chavirer. À un moment donné, je me tanne.

Dimanche, par exemple. Les gens, qui ont dessiné cette étape, savaient très bien ce qui allait se passer et surtout ne pas se passer en plaçant le Tourmalet à 70 kilomètres de l'arrivée. Leur calcul, c'est qu'il valait mieux escamoter les Pyrénées que de tuer la course à deux semaines de l'arrivée. Leur calcul, c'est d'entretenir le suspense jusqu'aux Alpes, surtout jusqu'au Ventoux, leur calcul, c'est le show, c'est les cotes d'écoute, nourrir les gagas de légende et de nostalgie et de vélo-Disneyland.

La légende et la nostalgie, c'est ce que je déteste le plus du vélo, qui en abuse plus que tout autre sport. Dimanche matin, dans mon salon, il restait une heure et demie de course. Devant, il y avait ces deux gars, Pellizotti et Fedrigo, et je me suis posé la question: veux-tu vraiment savoir si le peloton va revenir sur eux? S'il ne revient pas, veux-tu vraiment savoir lequel va battre l'autre au sprint? En attendant, es-tu prêt à te farcir 12 000 pubs de merde, dont une particulièrement vicieuse, déguisée en conseil-santé? Es-tu prêt à te farcir des capsules-paysages plus bêtes que des cartes postales et, de toute façon, piquées dans les guides Michelin? Es-tu prêt à entendre l'autre Français redoubler tous les mots qu'il dit? La longueur du col, la longueur du col - malheureusement, malheureusement - il est également pris en compte, il est également pris en compte...

Il arrive un moment où je préfère aller faire du vélo que d'en regarder. Je ferme la télé, je remplis ma bouteille de jus de canneberge. Une goutte d'huile sur la chaîne. Une barre tendre dans ma poche. C'est parti. À fond sur le grand plateau. Une échappée en solitaire. 70 km tout seul à 24.2 de moyenne, le peloton ne m'a jamais rejoint, non, madame. Savez la vraie différence entre un coureur du Tour de France et moi? Les chemins de terre. C'est ce moment de l'année où ils sont les plus praticables, bien damés, tunnels de verdure qui ne laissent filtrer qu'un peu de lumière mouillée, et, tout d'un coup, dans la mousse sur le revers du fossé, des chanterelles!

Je reviens de mes sorties à vélo les souliers crottés d'avoir trempé dans la vase des fossés, les mollets griffés de ronces et, dans ma sacoche, un bon kilo de chanterelles. C'est la vraie différence avec les coureurs du Tour de France et moi: les champignons. Il est vrai qu'ils n'ont pas de sacoche, je ne vois pas où ils pourraient les mettre.

Du Tour de France, j'aime deux choses: la France réellement magnifique en dehors des clichés des guides Michelin et la course quand il y en a une. Je déteste presque tout le reste, tout particulièrement la caravane, les anciens coureurs et leurs anecdotes - et par-dessus tout je déteste cet aéropage de corporatistes de la business sportive qui gouvernent le Tour de très haut, les Amaury, Jean-Claude Killy etc. cette [France d'en haut] qui sait tellement ce qu'il faut à celle d'en bas: un bon gros show de vélo-Disneyland (1).

Armstrong est leur homme, bien sûr. C'est le mien aussi, pour des raisons bien différentes, mais j'ai honte un petit peu quand même.

NON-SENS - Les vieux de la vieille du vélo se souviennent sûrement d'Yves Landry, l'âge d'or du cyclisme au Québec, des courses de prestige presque chaque semaine, des pelotons qui alignaient des Marcel Roy, Jules Béland, Cadorin, Filippin, Marinoni, Mecco, les jumeaux Lessard, Magella Tremblay et Yves Landry donc... Yves, aujourd'hui retraité du Cégep Lévis-Lauzon où il a été prof d'éduc 32 ans, Yves, qui vient de m'envoyer une petite réflexion saumâtre et pourtant très pertinente sur la première semaine du Tour. Réflexion qui rejoint, en partie, celle que je viens de vous faire sur le vélo-Disneyland.

Le CLM par équipes, résume Yves Landry, ça a tué le spectacle. Les écarts entre les équipes, reportés en temps réel au classement général INDIVIDUEL est un non-sens.

Ces écarts ne devraient compter que pour le classement par équipes. Lance Armstrong a, encore une fois, fait ses choux gras de ce non-sens, en prenant de deux à quatre minutes à ses adversaires. Les Astana ont mis de deux à quatre minutes à la plupart des prétendants au maillot jaune lors de ce CLM. Ils n'ont plus besoin d'attaquer, juste d'attendre. Ne reste plus pour nous amuser et amuser les médias que la guéguerre Armstrong-Contador sur laquelle les organisateurs ont tout misé.

Tu devrais proposer tes services au canal Évasion, Yves.

LA SCIENCE - Je l'ai déjà dit: Les Années lumière, le dimanche midi à Radio-Canada, est la meilleure émission de radio de toute la francophonie (sans ajouter qu'on est presque sûr de n'y jamais entendre Josélito Michaud).

Même quand je ne comprends pas tout, Les Années lumière est mon émission préférée. Ainsi, dans l'émission de dimanche (que je me suis fait enregistrer), ce morceau de poésie - c'est un spécialiste de physique quantique qui parle et qui dit: (en physique quantique) dans un milliardième de seconde, on a le temps de faire plein de choses.

Eh bien! c'est exactement le contraire de ce qui s'est passé dans l'étape du Tour de France le même jour, en quatre longues heures de course, ils n'ont pas trouvé le temps de faire quoi que ce soit.

(1) À lire absolument: l'article de Gérard Muteaud dans le Nouvel Observateur sous le titre «Madame Amaury et sa cassette».