Tous les yeux sont tournés aujourd'hui vers le Ghana, où le président américain Barack Obama doit prononcer une allocution que certains qualifient d'avance d'«historique».

L'Afrique compte 54 pays. Six d'entre eux, en Afrique du Nord, font géographiquement partie du continent africain, mais forment un ensemble géopolitique distinct, rattaché au monde arabo-musulman. C'est clairement aux 48 autres pays, à l'Afrique sub-saharienne,  que d'adresse le président Obama. Sur le plan économique, c'est une région en plein désarroi.

Voici quelques chiffres qui permettent de mieux saisir l'ampleur de la détresse africaine:

-Aux taux de change courants, les 48 pays de la région ont un Produit intérieur brut (PIB) combiné de 943 milliards (1), ou 1280$ par habitant. En réalité, ce montant ne reflète qu'une partie de la réalité, puisqu'il inclut l'Afrique du Sud, qui abrite seulement 7% de la population de la région, mais compte à elle seule pour 30% du PIB. Dans les 47 autres pays, le PIB par habitant tombe en moyenne à 960$.

-Le montant de 943 milliards peut sembler énorme. Pourtant, il représente l'équivalent, à quelques poussières près, du PIB de la Corée du Sud, 15 fois moins peuplée et 325 fois moins étendue. Les comparaisons avec les pays riches donnent le vertige. La taille économique des 48 pays d'Afrique noire réunis est trois fois inférieure à celle de la France, 15 fois inférieure à celle des États-Unis. À elle seule, l'économie du Texas est  plus importante que l'économie africaine.

-La région est, de loin, la plus pauvre de la terre. Sur les 28 pays les plus pauvres de la planète, 24 sont situés en Afrique. La République d'Haïti est, de loin, le pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental. Or, si Haïti était un pays africain, il ne ferait pas si mauvaise figure au palmarès. Le Ghana, le Lesotho, le Mali, le Burkina, la Tanzanie, la Gambie, le Mozambique, le Rwanda, la Centrafrique, Madagascar, l'Ouganda, la Guinée, le Togo, le Niger, le Sierra Leone, l'Éthiopie, le Malawi, l'Érythrée, la Somalie, la Guinée-Bissau, le Liberia, le Congo (RDC) et le Burundi sont tous des pays africains plus pauvres qu'Haïti. En tout, cela fait 415 millions de personnes qui vivent avec moins de deux dollars par jour. Ce chiffre est calculé aux taux de change courants. Même si on l'ajuste pour tenir compte du pouvoir d'achat des monnaies locales, cela ne donne que 4,47 $ par jour.

-Le continent le plus pauvre continue de s'appauvrir. En 1960, à l'aube de la décolonisation, le PIB régional représentait 2,6 % du PIB mondial; aujourd'hui, la proportion n'est plus que de 1,6 %. Pendant ce temps, l'Afrique noire a connu une forte croissance démographique. Elle comptait pour 8,8% de la population mondiale en 1960, contre 11,4% aujourd'hui. Cela signifie de plus en plus de monde pour se partager de moins en moins de richesse.

-Justement, parlons-en, de partage. Rares sont les endroits où la richesse est aussi inégalement répartie. Le décile supérieur, c'est-à-dire la tranche de 10% de la population la plus riche, empoche à elle seule 50% des revenus. Je me souviens, lors d'un voyage en Afrique il y a quelques années, avoir été estomaqué par le luxe de certaines demeures (je devrais dire palais) au milieu d'une mer de misère humaine. La corruption est rampante. En Somalie, un des pays les plus pauvres et les plus désorganisés du continent, le ministre de la Justice a été pincé, il y a quelques mois, en essayant de détourner 800 000 $ à son profit. Le plus odieux, c'est que cet argent provenait d'un programme d'aide internationale des Nations unies. Cet exemple est loin d'être unique.

Certes, depuis quelques années, on observe quelques pôles de croissance ici et là., mais dans l'ensemble, l'Afrique demeure pour l'instant un naufrage économique. On peut blâmer les énormes erreurs de jugement de certains gouvernements africains, les guerres, les coups d'État, les génodices, l'instabilité chronique, les épidémies, les sécheresses, les dictateurs fous, la corruption, l'ignoble protectionnisme agricole des pays riches (européens, surtout) qui étouffe l'agriculture africaine, les ratés de l'aide internationale. Mais les chiffres parlent d'eux-mêmes. De nombreux  pays, en Asie, en Amérique latine, émergent rapidement de la pauvreté. En 2009, cette prospérité nouvelle échappe encore largement aux Africains..

 

(1)Tous les montants, dans cette chronique, sont exprimés en dollars américains.