Qui pouvait prédire que le titre de Nortel allait devenir «mortel» pour le portefeuille!

Août 2000. Il y a huit ans ou presque, l'action de Nortel touchait un sommet historique à 1245$. Pendant que la bulle internet tirait à sa fin, Nortel Networks représentait à elle seule plus du tiers de la capitalisation boursière de la Bourse de Toronto. Vendredi dernier, l'action de Nortel a été retirée de la cote des Bourses de Toronto et de New York. Le titre de cet ancien fleuron de la bulle internet en est à ses derniers balbutiements en se négociant aujourd'hui comme un vulgaire penny stock sur l'OTC Markets (Over The Counter). À combien? À 4 cents l'action. Et on parle ici d'une action qui a déjà fait l'objet d'une consolidation de 10 pour 1. En huit années donc, Nortel a vu sa valeur boursière passer de 400 milliards de dollars à seulement une vingtaine de millions.

Lorsque Nortel se négociait à son zénith en 2000, la majorité des analystes des maisons de courtage continuaient d'en recommander l'achat. Les plus pessimistes des analystes y allaient avec leurs sempiternelles recommandations: «à conserver».

 

C'est ce qui explique sans doute pourquoi nombre de petits actionnaires de Nortel avaient conservé leurs actions au lieu de les liquider à fort prix. Ces petits actionnaires rêveurs étaient légion. Un grand nombre d'entre eux avaient «hérité» de leurs actions de Nortel parce qu'ils étaient actionnaires de BCE. On se rappellera que le 1er mai 2000, BCE avait redistribué à ses actionnaires le gigantesque bloc d'actions de Nortel que la société contrôlait.

Pour chaque lot de 100 actions de BCE, l'actionnaire recevait 157 actions de Nortel, et 100 actions de BCE. Imaginez la petite fortune que ces 157 actions de Nortel représentaient en août 2008. On parle de 195 465$. Aujourd'hui, ces 157 actions valent 6,28$, à la condition que vous puissiez les revendre sur le marché américain O.T.C. Nouveau symbole boursier de Nortel: NRTLQ. En fait, elles ne valent même pas la commission qu'il en coûte pour s'en départir, ne serait-ce qu'avec un courtier à escompte

Mais quel gâchis! À cause de quoi? La bulle internet a entraîné Nortel Networks dans le scandale financier... Ce fut carrément désastreux pour Nortel. Victime de manipulation comptable et de nouvelles mensongères sous l'ancienne direction, l'entreprise n'a jamais été capable de reprendre son envol en dépit des efforts louables de l'actuel président, Mike Zafirovski.

Alors que le gouvernement Harper a accepté d'investir dans le plan de sauvetage de General Motors, il a refusé d'aider financièrement Nortel. Conséquemment, explique Zafirovski, l'entreprise n'a pu éviter la faillite et son démantèlement prochain. Nortel s'est placée sous la protection de la loi sur les faillites en janvier dernier.

Chose certaine, les actionnaires de Nortel ne pourront jamais accuser M. Zafirovski d'avoir profité de sa position d'initié pour s'engraisser le portefeuille à leurs dépens.

C'est plutôt le contraire qui est survenu. En 2007 et 2008, le grand patron de Nortel a sorti de ses poches 1,7 million de dollars pour acquérir sur le marché un bloc de quelque 160 000 actions.

De plus, croyant en la survie de Nortel Networks, il a, dit-il, convaincu des membres de sa famille d'investir également dans l'achat d'actions de Nortel.

À l'instar de tous les actionnaires de Nortel, M. Zafirovski et ses proches se retrouvent aujourd'hui avec de lourdes pertes sur les bras. Tout comme d'ailleurs plusieurs dirigeants et administrateurs de la multinationale déchue.

Cela m'amène à nous mettre en garde contre les transactions d'achat des initiés. On a beau dire, avec preuves à l'appui, que les grosses transactions d'achat de 500 000$ ou plus des initiés représentent généralement un bon signal d'achat, la catastrophe de Nortel nous ramène les deux pieds sur terre.

En Bourse, il n'y a jamais rien d'acquis, même quand le grand patron investit massivement de sa poche dans son entreprise, et ce en toute bonne foi.

En terminant, notons que M. Zafirovski s'est fait varloper par d'anciens employés lorsqu'il a récemment paradé devant la Chambre des communes. Ces derniers lui reprochent d'avoir versé des primes de 45 millions à ses collègues de la haute direction alors que l'entreprise, placée sous la protection de la loi sur les faillites, avait refusé de payer des indemnités de départ à ses employés mis à pied.