J'ai aimé Thriller; l'album bien sûr, pas la toune qui n'en finit pas. J'ai joggé longtemps sur Billie Jean et sur Beat It; j'ai même écouté Beat It sans jogger, mais c'était plus pour la guitare de Van Halen que pour Michael Jackson. Quoi d'autre? Ah oui! Sa fameuse danse à l'envers et au ralenti. Ah oui aussi! Quand il a secoué son bébé du haut du balcon, j'ai ri comme un fou en pensant au freakout des matantes du 450, et je ne dirai rien d'un certain pédiatre toujours bien énervé; mais là-dessus, il a peut-être un peu raison: ne jamais secouer son bébé du haut d'un balcon, c'est pas une salade.

C'est à peu près tout ce que je peux vous dire sur Michael Jackson; je n'ai pas d'opinion sur son nez, ni sur rien en fait. Par contre, si vous voulez que je vous parle de Farrah Fawcett qui est morte aussi jeudi, ah ben là, je pourrais facilement être intarissable. Elle a été mon sex-symbol secret pendant quoi? Dix ans? Oui, madame. Je me souviens même d'une pub de shampoing dans laquelle elle apparaissait dans une nuisette rose dont une des bretelles était tombée, sans découvrir rien, rassurez-vous - je vous parle d'avant 1980. Pourtant ce petit désordre vaporeux, et le geste qu'elle faisait en avançant l'épaule pour remonter ladite bretelle, donnait plus à bander que tous les films de cul que vous avez vus.

 

Parlant de cul, elle est morte d'un cancer de l'anus, disait élégamment mon journal hier matin. Too much information, non? Le claironner dans l'espoir de conjurer la chose elle-même? Vade retro, cancer de l'anus? Il y a de cet ésotérisme-là dans toutes les campagnes contre le cancer: nommons-le, parlons-en toutes les deux minutes, ainsi on le combattra mieux. Vous êtes sûr? Ésotérisme pour ésotérisme: et si le cancer était un petit peu transmissible par la parole?

Expliquez-moi un autre truc. Expliquez-moi le mal que vous vous donnez pour ne pas nommer, par exemple, la surdité; vous dites malentendement, vous dites difficulté de perception auditive, mais voilà qu'une des plus jolies dames du cinéma et de la télé des 50 dernières années vient à mourir et vous vous empressez de préciser: d'un cancer de l'anus.

Vous savez de quoi je vais mourir moi? D'incompréhension totale, une mort qui ressemble beaucoup à une mort hallucinée dans le désert. D'ailleurs, à l'autopsie, on trouve du sable dans le cerveau des morts d'incompréhension.

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Ce qui m'a frappé hier matin, c'est l'ampleur de la couverture, sa qualité aussi, mais l'ampleur surtout... Le roi de la pop, certes, mais je ne m'en doutais pas à ce point-là. John Lennon était le roi de quoi, lui? Et si vous placez Thriller dans votre top cinq, où allez-vous mettre Sgt. Pepper? Exile On Main Street? Born To Run? What's Going On? Ziggy Stardust? Never Mind The Bollocks (des Sex Pistols)? On est déjà rendu à sept et on n'a pas commencé. Combien de pages quand Jagger va mourir? Springsteen?

Je sais bien, allez, on n'en parlera plus lundi. Rien ne s'éloigne plus vite que les morts.

Sur le chemin de retour de ma ride à vélo, je passe souvent devant chez Vastel. Le célèbre chroniqueur politique décédé récemment. Une jolie maison dans les vignes. On n'était pas amis, même pas de loin, aussi doit-il être surpris de m'entendre le saluer amicalement chaque fois que je passe devant chez lui: Hé, Michel. Et chaque fois aussi je mesure ce que je viens juste de vous dire: combien les morts s'éloignent rapidement.

Certains, pourtant, s'incrustent un moment. Depuis un mois j'ai en tête les morts du vol d'Air France Rio-Paris. Excusez le cliché, la mort est un passage que personne ne sait comment franchir et c'est ce passage qui fait peur; pour ceux-là, le passage s'est fait dans l'horreur la plus absolue.

La semaine dernière, j'ai reçu par courriel deux photos soi-disant prises par un passager dans la cabine de ce vol Rio-Paris, la carlingue coupée en deux, à l'arrière-plan un passager happé par le vide. J'en ai rêvé. On expliquait dans le courriel que la carte numérique de l'appareil photo avait été retrouvée flottant parmi d'autres débris. Ce qui est vraisemblable techniquement. Un collègue photographe me raconte qu'il a déjà oublié une de ces cartes numériques dans la poche d'un pantalon qui est allé au lavage, et que les photos étaient encore là après le lavage. Sauf que pour le vol de Rio, on sait maintenant que c'était de fausses photos. Mises en circulation par un esprit malade. Et aussitôt diffusées par ces chaînes de courriels qui véhiculent n'importe quoi, en toute bonne foi. Les photos ont fait le tour de la planète, elles sont mêmes passées à la télévision bolivienne.

Que me disiez-vous, déjà, dans la foulée de ma dernière chronique sur les journaux, le web et tout ça? Ah oui, vous me disiez: le web, quelle merveille, la fin de l'isolement, l'information partagée, instantanée. Petits comiques.

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Parlant du web, je peux vous ramener au faux blogue sur le Bixi monté par des spécialistes en marketing pour en faire mousser l'utilisation? Mon collègue Lagacé avait chroniqué sur le sujet, j'en avais rajouté. Parmi les commentaires, celui d'un lecteur qui travaille en marketing et qui me dit que ce faux blogue est une honte, une atteinte à l'éthique de la profession. Plus loin, ingénument, mon correspondant me résume ce que je devine être le fondement de cette éthique-marketing: Je ne mens jamais, dit-il. Bien sûr, j'essaie de dire les choses d'une manière plaisante. Je ne montre qu'un seul côté de la médaille, mais ce côté existe, je n'invente rien.

On cherchera longtemps une meilleure définition du marketing. Merci, monsieur.

Sur le même sujet, Sophie, qui travaille dans une librairie, me dit: Quand vous avez parlé de La route de McCarthy dans une chronique, on a vendu tous les McCarthy, hey hey M. Foglia...

Elle a un doute cette jeune femme: si tout est marketing, pourquoi pas vous, monsieur le chroniqueur? Parce que, mademoiselle.

Si je vous le dis, vous me promettez de ne pas me trouver baveux? Parce que, comme souvent les gens qui passent pour intelligents, je n'entends absolument rien à la vraie vie. Je vous l'ai dit plus haut, je vais mourir d'incompréhension et on trouvera du sable dans mon cerveau.