Le député péquiste François Legault a quitté la politique en dressant un portrait sombre du Québec d'aujourd'hui. Le Québec, dit-il, vit un «déclin tranquille», la population et la classe politique refusant d'affronter les problèmes de fond qui menacent l'avenir de notre société. On se réfugie plutôt dans «la résignation et l'indifférence».

L'inquiétude qu'a manifestée hier M. Legault devant l'«apathie» des Québécois, d'autres l'avaient déjà exprimée. Il y a sept ans presque jour pour jour, son ancien collègue Joseph Facal avait pressé le Parti québécois de cesser d'ériger en dogme «le sacro-saint modèle québécois». Trois ans plus tard, M. Facal et une dizaine d'autres personnes, dont Lucien Bouchard (et l'auteur de ces lignes), signaient le manifeste Pour un Québec lucide. Ces appels à la mobilisation des Québécois pour relever les défis de l'appauvrissement, de l'endettement et du vieillissement n'ont pas eu les effets espérés. Les libéraux de Jean Charest ont tenté, maladroitement, de s'attaquer à certains de ces problèmes; devant la levée de boucliers, ils ont abandonné toute velléité de réforme.Au cours de ses 10 années en politique, François Legault a voulu amener le Parti québécois à adopter une politique plus courageuse. Il était convaincu qu'il ne fallait pas réduire les dépenses en santé et en éducation, mais au contraire les augmenter. En contrepartie, le gouvernement devait s'assurer que ces réseaux soient mieux gérés, qu'on y implante «une culture de l'évaluation et une culture de résultats».

Puisqu'il était nécessaire à la fois d'augmenter les dépenses dans les domaines prioritaires et réduire la dette, le gouvernement du Québec n'aurait d'autre choix que d'accroître ses revenus. François Legault était donc favorable à des hausses substantielles des tarifs d'électricité et des droits de scolarité universitaires. Il aurait souhaité que Québec profite des baisses de la TPS pour augmenter la TVQ. Bref, il voulait que le gouvernement ose s'attaquer à quelques «vaches sacrées». Au sein de sa formation, il s'est heurté à un mur. Au Parti québécois comme au Parti libéral en effet, on préfère prétendre qu'il existe un traitement sans douleur. Et les électeurs ne demandent pas mieux que de le croire.

François Legault est un homme d'action dont «la patience n'est pas la plus grande qualité», a-t-il confié hier. Alors, au gouvernement comme dans l'opposition, il a fait tout ce qu'il pouvait. Les plans régionaux d'effectifs médicaux, c'est lui. Les contrats de performance, c'est lui. L'étude sur les finances d'un Québec souverain, c'est encore lui. Toutes ses initiatives n'ont pas été heureuses, mais on doit lui donner l'immense mérite d'avoir osé bousculer les habitudes.

On pourrait mettre l'«apathie» des Québécois sur le dos des politiciens; ce serait trop facile. Comme l'a dit M. Legault en parlant du cynisme populaire, «politiciens, citoyens, médias et groupes de pression, nous sommes tous responsables de cette réalité». «Il est encore temps d'agir», a-t-il conclu. Malheureusement, rien n'indique que les Québécois sont disposés à sortir la tête du sable.