Ce sera le premier été où les familles devront être munies de passeports pour passer quelques jours sur le bord de la mer en Nouvelle-Angleterre.

Au-delà de l'agacement pour les voyageurs et des effets négatifs sur le tourisme des deux côtés de la frontière, cette nouvelle mesure de contrôle douanier soulève des questions bien plus profondes sur la nature de nos rapports avec les États-Unis et sur la dynamique du bloc continental que nous formons.

L'Europe s'agrandit et a réussi à pratiquement éliminer les frontières sur un vaste territoire. Malgré l'hétérogénéité de ses populations, elle a favorisé une véritable mobilité des personnes. Par comparaison, le resserrement de la frontière canado-américaine nous replonge 100 ans en arrière, et cette logique est absolument à contre-courant dans un monde de plus en plus ouvert.

Le paradoxe est d'autant plus grand que nous partageons la plus grande frontière, que le niveau d'échanges entre nos deux pays est le plus important au monde, que nos modes de vie sont similaires et que les deux sociétés sont interreliées comme nulle part ailleurs.

Ce qui sera décevant pour bien des gens, c'est que l'arrivée du président Obama n'a rien changé à la situation, bien au contraire. Le renforcement des frontières, amorcé par l'administration Bush, s'est poursuivi avec la même intensité. En plus, le Canada doit faire face au plus sérieux sursaut protectionniste américain depuis longtemps, avec les clauses d'achat américain des grands projets de relance économique.

La dynamique qui a amené les États-Unis à renforcer les contrôles frontaliers repose sur deux fondements, qui tous deux reflètent un mélange d'indifférence et d'incompréhension à l'égard du Canada, pourtant leur plus important partenaire commercial.

Le premier fondement, c'est la lutte contre l'immigration illégale, de Mexicains et de Latino-Américains qui pénètrent aux États-Unis par ses frontières sud. Cela a mené à un important déploiement, clôtures, patrouilles et vérifications serrées des identités. Dans une logique mécanique, on a étendu au Nord des mesures conçues pour le Sud. Heureusement, l'arsenal de protection n'est pas le même. Mais la loi est la même, sans tenir compte du fait que le Canada est une économie avancée, en symbiose avec les États-Unis, et que le Mexique est une économie émergente avec les problèmes que cela comporte.

Le second fondement, c'est la sécurité, surtout après le 11 septembre. Les Américains, à juste titre, ont voulu mieux protéger leur territoire. Leur argument massue étant le fait que la frontière canado-américaine soit une passoire par laquelle sont passés les terroristes du 11 septembre. C'était faux. Mais la légende urbaine est si persistante que la secrétaire du département de la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, l'a répétée il y a quelques mois, pour ensuite s'excuser. Mais quelqu'un l'avait "briefée", ce qui en dit long sur la culture qui préside aux prises de décision.

Ces contrôles sont-ils nécessaires? Les Européens, qui ont bien plus souffert du terrorisme que les Américains, ont manifestement jugé que ce n'était pas la meilleure façon de gérer les problèmes. Je soupçonne que, là comme ailleurs, les États-Unis ont déployé des mesures de sécurité qui servent plus à frapper l'imagination qu'à donner des résultats tangibles.

Mais il n'y a pas que la sécurité. Les douaniers américains ne font pas que vérifier les identités, ils contrôlent le contenu des paniers de pique-niques, ils rendent la vie difficile aux camionneurs. Et tout cela illustre le réflexe de repli sur soi des Américains en période de crise, qu'elle soit provoquée par le terrorisme ou la récession. Et nous en sommes les victimes, en sachant que, pour des raisons géographiques évidentes, nous ne pouvons pas choisir nos voisins.