S'il est vrai que la promotion de la boxe n'est pas tant l'art de mousser son boxeur que celui de vendre un affrontement, les billets pour le combat de championnat du monde de vendredi entre Jean Pascal et Adrian Diaconu devraient en toute logique s'envoler cette semaine.

Les deux boxeurs, qui s'affronteront au Centre Bell pour le titre des mi-lourds du WBC, n'auraient pu afficher plus clairement leurs différences, lors de leur conférence de presse conjointe, hier.

Le Noir contre le Blanc. Le francophone contre l'anglophone. Le fort en gueule contre le taciturne. Le beau bonhomme en costard à fines rayures grises, chemise mauve et cravate contre le col bleu en survêtement et casquette.

Plus typé que ça comme casting, tu luttes dans la WWE.

Piqué au vif par les commentaires de l'entraîneur Stéphan Larouche, qui disait dans La Presse d'hier que Diaconu l'avait bouffé tout rond à l'entraînement avant les Jeux olympiques de 2004, Pascal nous a sorti la rhétorique des grands soirs. «Pour motiver son boxeur, on doit se mentir à soi-même et mentir à son boxeur. Ça ne sent pas bon. Ça sent la soupe chaude, a-t-il dit, avant de s'en prendre directement à Larouche. À en croire Stéphan Larouche, toutes les fois que Stéphane Ouellet revenait d'un camp d'entraînement, il était top shape, alors pour la crédibilité...»

Même s'il a assuré qu'il respectait son opposant, Pascal s'est employé à démontrer le contraire. «Il y a deux boxeurs ici. Un champion et un aspirant. Mais qui ressemble au champion et qui ressemble à l'aspirant?» a-t-il demandé en arpentant la petite scène avec l'assurance d'un preacher qui connaît parfaitement la réponse. «C'est pour ça que je suis revenu au Québec: pour mon couronnement.»

En préparation pour le combat, Pascal s'est entraîné en Floride. Il en a rapporté un cadeau pour Diaconu, qui a célébré son 31e anniversaire la semaine dernière: une dent de requin en pendentif, allusion évidente au surnom de son adversaire: le Shark. «Vendredi soir, je vais enlever les autres», a fanfaronné Pascal.

Diaconu n'a pas semblé très impressionné. «C'est sérieux, c'est de la boxe professionnelle, a-t-il lancé au milieu d'une tirade de Pascal. Ce n'est pas une émission de télé comme Star Académie. C'est une question de coups de poing et de travail, pas de cadeau.»

«Je pourrais parler pendant une demi-heure, mais c'est facile de parler, a ajouté le Roumain d'origine. Ce que j'ai à dire et à montrer, je vais le faire le 19 juin. Je veux que les gens m'aiment pour ma façon de boxer, pas pour mes paroles», a ajouté Diaconu, avant de lancer une pointe à Pascal et à ses airs «de star du rap».

Je peux me tromper, mais il m'a semblé voir Yvon Michel et Jean Bédard, d'InterBox, se frotter les mains d'aise devant toutes ces citations chocs. Faut dire que les co-promoteurs vont prendre toute la controverse qu'ils peuvent, car il semble que les ventes ne sont pas extraordinaires jusqu'ici. Environ 11 000 billets auraient trouvé preneurs, mais cela inclut des milliers de billets écoulés par l'intermédiaire de partenaires comme Coors Light ou le Casino de Montréal. La vérité, c'est que la ruée sur les guichets n'a pas eu lieu.

Sans vouloir dégonfler la balloune de Jean Pascal, un gars que j'aime beaucoup, ce n'est pas une très bonne nouvelle pour lui. On avait tendance à dire que dans ce duel, Diaconu fournissait sa ceinture et Pascal, sa popularité. Celle-ci serait-elle moins grande qu'on le pensait?

«La vraie notoriété, tu l'acquières quand tu es champion du monde, répond Yvon Michel, son promoteur. Jean a le potentiel d'être une superstar. Maintenant, il lui reste à le démontrer sur le ring.»

En effet. Mais en attendant, je ne compte plus les gens qui me disent souhaiter que Diaconu passe le K.-O. à Pascal. Principal motif invoqué: l'arrogance qu'ils perçoivent chez celui dont la seule défaite en carrière est survenue il y a six mois, au terme d'une furieuse bataille contre Carl Froch, en combat de championnat du monde des super-moyens du WBC.

L'entraîneur de Pascal, Marc Ramsay, est convaincu que son protégé fera taire les mauvaises langues. Et qu'il rivera leur clou à ceux qui croient que son protégé aura la langue à terre si le combat s'éternise. «À l'entraînement, on a fait des combats de 12 rondes de quatre minutes avec seulement 30 secondes de pause entre les rondes. On est prêts pour un combat de 36 rondes. Vendredi soir, vous allez voir de quoi a l'air un poisson hors de l'eau.»

Tiens, une autre fine métaphore poissonnière. Contrairement à la lutte, la boxe n'est pas arrangée, mais il y a des conférences de presse qui sont drôlement bien scénarisées.