Le projet de téléphérique reliant le Vieux-Montréal à la Rive-Sud de Montréal comporte plusieurs lacunes, mais il mérite d'être étudié plus à fond.

La première lacune: l'entreprise Skylink en est à ses premières armes dans ce type de projet. Ses dirigeants ont bien tenté de vendre le concept aux villes de Detroit et Windsor au début des années 2000, en vain. Il y avait des réticences des deux côtés de la rivière. Skylink affirme en outre que son concept, évalué à environ 100 millions de dollars, sera entièrement financé par des fonds privés et que les investisseurs sont impatients. Qui sont-ils? On ne donne aucun nom.

 

Un autre aspect de ce projet de télécabine au-dessus du fleuve fait sourciller: les projections de Skylink à propos de l'achalandage semblent irréalistes. Les dirigeants de l'entreprise répètent que les télécabines peuvent transporter 6000 passagers à l'heure. À ce rythme-là, on peut pratiquement vider l'île de Montréal en l'espace d'une journée. Sérieusement, on peut bien espérer une occupation optimale aux heures de pointe (quoiqu'il y aura bien des gens à convaincre qu'il est amusant de prendre un téléphérique dans une tempête de neige au mois de janvier), mais qui empruntera la télécabine un mardi après-midi glacial d'hiver? Et pour aller où? Pourquoi des milliers de personnes auraient soudainement envie de se rendre au parc Jean-Drapeau? Et ce n'est quand même pas le village de Saint-Lambert, au demeurant fort charmant, qui convaincra des milliers de touristes de choisir la région montréalaise comme destination vacances.

Affirmer, comme le font les dirigeants de Skylink, qu'un funiculaire entraînerait des retombées économiques équivalentes à celles du Festival de jazz et du Grand Prix de Formule 1 réunis est carrément loufoque et contribue à alimenter le scepticisme ambiant à l'endroit de ce projet. Peut-on y aller de prévisions plus réalistes, appuyées par des études de marché solides?

Enfin, pour convaincre les récalcitrants, les promoteurs de la télécabine citent en exemple des villes de réputation internationale comme Barcelone et Singapour.

En effet, on trouve dans la capitale catalane un funiculaire intégré au réseau de transports en commun. On peut donc l'emprunter avec un ticket de métro. Mais le funiculaire de Barcelone grimpe au sommet du Monjuïc: on a donc une vue unique sur Barcelone. Même scénario à Singapour où la vue du haut du mont Faber est spectaculaire. Qu'offrira-t-on aux visiteurs à Montréal? Une vue imprenable sur le Casino?

Ce sont des questions importantes pour un concept d'une telle envergure. Et c'est sans compter l'aspect visuel des télécabines et des pylônes nécessaires pour les supporter. Les craintes de la Société du Vieux-Port sont-elles justifiées en ce qui concerne la hauteur et l'espace occupé par un éventuel édifice d'accueil dans le Vieux-Montréal? Enfin, qu'est-ce que ce funiculaire signifierait en terme de circulation automobile pour la petite municipalité de Saint-Lambert? Aucune information sérieuse n'a été fournie à ce sujet. Ce projet mérite d'être étudié avec rigueur par nos élus. Mais la même rigueur est exigée de la part des promoteurs.

nathalie.collard@lapresse.ca