Envolée du chômage et de l'endettement. Effondrement de l'immobilier. Les touristes qui fuient... L'Espagne traverse une crise qui, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, n'est pas à la veille de prendre fin.

BBVA, la deuxième banque espagnole en importance, a concocté un remède peu ordinaire contre les maux causés par la récession.

 

Il y a environ une semaine, la Banque a proposé à certains de ses 30 000 employés de prendre congé... pour cinq ans.

S'il accepte l'offre, l'employé recevra 30% de son salaire et conservera sa couverture santé. La banque BBVA promet de le reprendre par la suite. Du jamais vu en Europe.

Si une telle proposition peut sembler attrayante pour certains, elle témoigne de la gravité de la récession en Espagne. Les entreprises sont prêtes à tout pour réduire leurs coûts. D'autres diront que cette mesure draconienne est une manoeuvre de la BBVA pour contourner les règles sévères que Madrid impose aux entreprises en matière de licenciement.

Quoi qu'il en soit, le pays de Don Quichotte lutte contre un ennemi féroce. L'Espagne a été frappée par la récession plus tôt et plus brutalement que la plupart de ses voisins. Or, le pays devrait en sortir plus tard que les autres, avance un nouveau rapport de la Commission européenne.

Endettés

Les derniers chiffres font état d'un taux de chômage de plus de 17% en Espagne, soit 4 millions de personnes sans emploi. Un chômeur sur cinq a moins de 25 ans, ce qui démoralise les jeunes, déplorent des groupes sociaux.

Et ce n'est pas fini. Des économistes prévoient que le chômage atteindra bientôt 20%, un sommet en Europe.

La récession espagnole s'annonce plus longue et plus sévère qu'ailleurs notamment parce que les consommateurs espagnols sont les plus endettés du Vieux Continent.

Les dettes des ménages (hypothèques et prêts personnels) correspondent à 70% de l'économie. Cela se compare à un taux de 45% pour l'ensemble de la zone euro, selon la Banque centrale européenne. Concrètement, chacun des 45 millions d'Espagnols traîne une dette personnelle de 18 000 (28 000$CAN).

Pourtant, la croissance espagnole a été l'une des plus rapides d'Europe pendant une décennie, grâce surtout à l'immobilier. Mais lorsque la crise financière a frappé, l'atterrissage a été brutal dans ce pays où la construction contribuait à la création d'un emploi sur cinq au début des années 2000.

Au pic du boom immobilier, le PIB augmentait de près de 4% par an. Aujourd'hui, l'Espagne voit son économie se contracter au rythme annuel de plus de 3%.

Déflation

Avec le chômage et les dettes qui s'accumulent, le moteur immobilier n'est donc pas à la veille de redémarrer, contrairement à d'autres pays, dont le Royaume-Uni, où l'on croit avoir touché le fond dans ce secteur.

Le prix des logements en Espagne devrait chuter de près de 30% d'ici à la fin de 2011, estime la banque BBVA. La remontée des prix devra donc attendre deux ou trois ans.

Et le pays de la Costa del Sol et des vins rioja ne peut compter sur l'aide des touristes.

Deuxième destination touristique mondiale après la France, l'Espagne doit s'attendre à une baisse des visiteurs de 10% cet été, affirme le gouvernement.

L'industrie touristique de même que les exportateurs ne peuvent profiter d'une monnaie plus faible pour requinquer les affaires à l'étranger. Car l'euro résiste bien à la tempête. Il s'est même apprécié face au billet vert américain et à la livre sterling.

C'est pourquoi bon nombre des 200 000 Anglais qui possèdent une maison en Espagne ont mis en vente leur propriété, rapportait récemment le Financial Times. Plusieurs «Brits» à la retraite rentrent chez eux pour de bon, préférant la pluie froide de Londres au taux de change brûlant de l'outre-Manche.

En outre, la force de l'euro paralyse le secteur industriel, qui n'est plus aussi concurrentiel. La seule chose qui relancera l'économie «est une baisse prolongée des prix et des salaires», affirme Luis Garicano, professeur à la London School of Economics. Déprimant.

Somme toute, le ciel espagnol est bien sombre, ces temps-ci.

«L'Espagne est différente», affirmait jadis le régime franquiste pour attirer les touristes sur la péninsule.

Aujourd'hui, on peut dire la même chose, mais pas pour les bonnes raisons. Car la Commission européenne prévoit que les Espagnols ne sortiront pas de la récession avant 2011, soit un an ou deux plus tard que ses voisins.