Déjà aux prises avec une récession qui mine leurs exportations, les entreprises québécoises sont frappées de plein fouet par la clause Buy American.

Lors de sa visite éclair à Ottawa en février, le président Barack Obama avait pourtant donné l'assurance que son gouvernement ne mettrait pas de l'avant de mesures protectionnistes dans son plan de relance. Mais les États et les villes américaines, qui ne sont pas assujetties à l'ALENA, ont exclu l'achat de produits canadiens dans leurs projets d'infrastructures.

 

C'est une tuile supplémentaire qui tombe sur la tête des entreprises d'ici.

La chute de la consommation à l'étranger a provoqué une chute de nos exportations de 10,3% au premier trimestre. Et la décroissance pourrait s'accentuer. Le pire de la débâcle économique est peut-être chose du passé, mais les États-Unis ne sont pas sortis du bois pour autant. Le retour à la croissance n'est pas attendu avant la fin de 2009. Rien pour donner un coup de pouce au marché québécois de l'exportation, qui dépend à 75% des Américains.

Autre facteur aggravant: le huard, qui s'est envolé de 12 cents depuis le début avril, rend nos exportateurs moins concurrentiels. Sans compter le prix du baril de pétrole qui a doublé depuis son creux de 32$ il y a trois mois, ce qui a sensiblement fait grimper les dépenses en transport des marchandises.

La politique protectionniste des États-Unis ne peut donc qu'accabler davantage les entreprises québécoises. Une application rigoureuse de la clause Buy American entraînerait en toute logique une cascade de mises à pied dans la province. Depuis l'automne, la crise économique a déjà poussé le taux de chômage de 7,1% à 8,7% au Québec (10,5% à Montréal).

Le premier ministre Stephen Harper a déclaré jeudi que l'Accord de libre-échange nord-américain devrait être rouvert afin d'empêcher les gouvernements locaux de bloquer l'achat de matériaux étrangers. Son homologue québécois Jean Charest est d'accord. Mais une telle entente ne sera pas conclue demain matin.

En attendant, le président Obama doit joindre le geste à la parole donnée: forcer États et municipalités à accepter les soumissions étrangères sous peine d'être exclus du programme de relance. Car il existe un danger réel d'escalade. Déjà une douzaine de villes canadiennes ont décidé de riposter en cessant toute commande de fournitures américaines.

Le ministre québécois des Finances et du Développement économique, Raymond Bachand, soulève avec raison le danger de «spirale négative». Il affirme d'ailleurs que les municipalités québécoises n'ont pas développé ce réflexe protectionniste depuis le début de la récession. Au contraire. Des industriels québécois se plaignent parfois qu'on favorise les produits américains au détriment des leurs.

M. Bachand privilégie une voie plus constructive: une offensive diplomatique auprès des autorités américaines pour leur rappeler que sept millions d'emplois aux États-Unis dépendent directement des exportations au Canada.

Espérons que M. Harper mettra, comme il y songe, de la pression sur le président Obama, alors que se profile une guerre commerciale stérile qui ne contribuera qu'à saboter la reprise économique des deux côtés de la frontière.

jbeaupre@lapresse.ca