Barack Obama est si digne qu'on a du mal à l'imaginer dans le costume empesé d'un vendeur de «chars». Et pourtant, lorsque le président des États-Unis a fait le point sur General Motors, hier, il a servi aux Américains un boniment digne d'un redoutable vendeur.

Barack Obama a cherché à se faire rassurant sur la suite des choses, maintenant que le constructeur s'est mis à l'abri de ses créanciers. Mais disons qu'il a un peu embelli la réalité. Tout en passant sous silence plusieurs difficultés.

Deux points ressortent de son baratin. De un, invoquer le fameux chapter 11 de la loi américaine sur la faillite, ce n'est pas la fin du monde. Chrysler n'est-elle pas sur le point d'émerger de sa restructuration judiciaire?

De deux, ce n'est pas parce que le gouvernement américain devient le principal actionnaire de GM, avec une participation de 60,8%, que le président aura les deux mains sur le volant.

Dans les deux cas, il faut nuancer.

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Une restructuration judiciaire n'est peut-être pas la fin du monde, mais ce n'est pas une promenade dans les bois. En faisant appel à la protection des tribunaux, GM a les coudées franches pour mener rondement une restructuration «accélérée» qu'elle espère compléter d'ici trois mois. L'entreprise n'a d'ailleurs pas perdu de temps en annonçant hier la fermeture de 17 autres usines et centres de distribution de pièces aux États-Unis.

Toutefois, GM se trouve maintenant à la merci d'un juge. Celui-ci pourrait se montrer sympathique aux derniers créanciers mécontents qui forment une poche de résistance. Bref, tout peut arriver.

Par ailleurs, GM croit qu'avec les concessions que le constructeur a arrachées aux créanciers et aux travailleurs syndiqués, l'entreprise sera en mesure de faire ses frais dans un marché nord-américain ravagé par la récession. Même si les Américains n'achetaient que 10 millions de véhicules neufs en 2009 - ce qui est conforme aux prévisions -, ce ne serait plus l'hémorragie.

Survivre, c'est une chose. Mais séduire des clients qui refusent d'être vus au volant d'une GM, c'est une autre histoire. Surtout que le marché ne renouera peut-être jamais avec les sommets de 15 à 17 millions de véhicules neufs vendus par an, à l'époque insouciante où les Américains finançaient leurs voitures en rouvrant leurs hypothèques.

Bref, GM devra gagner des parts de marchés au détriment de rivaux affamés comme Chrysler, qui profitera des technologies et du design de Fiat. Et cela, avec des véhicules qui ne sont pas encore arrivés sur le marché, mais qui souffrent déjà de la perception d'un manque de fiabilité associée à GM. Bien plus qu'un simple changement d'image, GM devra entreprendre une transformation extrême. Sans succès assuré.

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Barack Obama aimerait faire croire aux Américains qu'investir 50 milliards de dollars dans General Motors, cela ne change pas le monde... Sauf que si, cela change la donne, et pas seulement pour GM, mais pour toute l'industrie.

«Je n'ai aucun intérêt à administrer GM», a réitéré hier le président, bien conscient du malaise que provoque la nationalisation «temporaire» de GM aux États-Unis.

Ainsi donc, le gouvernement serait un investisseur silencieux qui laisserait à la direction de GM toute latitude? Bien voyons! L'influence de Barack Obama est déjà perceptible. Rappelons, accessoirement, que c'est son administration qui a remercié l'ancien président de GM, Rick Wagoner.

Par ailleurs, la conversion soudaine et totale de GM aux voitures vertes, un dada d'Obama, paraît légèrement suspecte. On a longtemps reproché à GM d'ignorer les désirs des consommateurs. Mais, en larguant la marque Hummer, en lançant la voiture électrique Volt et en promettant 14 modèles hybrides d'ici 2012, GM est-il en train de passer d'un extrême à un autre? Tout en étant aussi déconnecté de ses clients?

Les analystes s'attendent à ce que la Volt se détaille 40 000$US, près du double du prix d'une Toyota Prius. Ainsi, GM s'expose à produire cette voiture électrique à perte. Or, en attendant un choc pétrolier à la Jeff Rubin, les ventes des petites voitures avec des moteurs efficaces ne représentent que 17% du marché américain, note le Wall Street Journal.

Évidemment, les choses sont appelées à changer, et c'est tant mieux. Mais, est-ce que cela va permettre à GM de renouer avec les profits dans un proche avenir? Ce n'est pas acquis.

En fait, c'est tout le terrain de l'environnement qui est miné. Quels mesures incitatives le gouvernement américain offrira-t-il pour l'achat de quels véhicules? De quelle façon est-ce que les émissions polluantes seront réglementées?

L'impartialité de l'administration Obama risque d'être mise en doute par les concurrents de GM, comme Ford. Ou par les pays avec des constructeurs rivaux, par l'entremise de l'Organisation mondiale du Commerce.

Dans le même esprit, est-ce que GM favorisera une production locale, aux États-Unis, pour des considérations politiques, au détriment de sa rentabilité? Il est permis de se le demander, alors que le constructeur annonçait hier qu'une plus grande proportion des véhicules vendus aux États-Unis sera assemblée en sol américain. Barack Obama a dit vouloir léguer, aux générations futures, une «Amérique qui fabrique encore des choses».

Mais si son pari risqué échoue, son héritage dans l'industrie automobile pourrait se résumer à un déficit énorme.

«Notre objectif à court terme, c'est de remettre sur pied GM et de sortir le plus rapidement possible», a dit Barack Obama.

Rapidement. C'est le mot clef.

courriel Pour joindre notre chroniqueuse sophie.cousineau@lapresse.ca

 

La quatrième faillite en importance AFP (WASHIGTON)

Le dépôt de bilan de General Motors, annoncé hier, représente la quatrième faillite en importance enregistrée aux États-Unis depuis 1980.

Voici la liste des 20 plus grosses faillites enregistrées aux États-Unis depuis 1980, classées par l'importance des actifs en jeu:

1

Lehman Brothers

(banque)

15 septembre 2008

691 milliards de dollars

2

Washington Mutual

(banque)

26 septembre 2008

327,9 milliards

3

WorldCom (télécommunications)

21 juillet 2002

103,9 milliards

4

General Motors

(automobile)

1er juin 2009

91,0 milliards

5

Enron

(courtier en énergie)

2 décembre 2001

65,5 milliards

6

Conseco

(assurance)

17 décembre 2002

61,4 milliards

7

Chrysler

(automobile)

30 avril 2009

39,3 milliards

8

Pacific Gas and Electric

(énergie)

6 avril 2001

36,1 milliards

9

Texaco

(pétrole)

21 avril 1987

34,9 milliards

10

Financial Corporation of America

(banque)

9 septembre 1988

33,8 milliards