Les conférences de presse d'après-match risquent d'avoir pas mal moins de piquant qu'à l'époque où Guy Carbonneau dirigeait l'équipe, mais le Canadien a fait un pas dans la bonne direction en embauchant Jacques Martin à titre d'entraîneur-chef.

Cette fois, on ne pourra pas accuser le CH d'avoir chipoté sur l'expérience de son entraîneur. Avec ses 1098 matchs derrière le banc, ses 517 victoires, ses 10 participations aux séries (où il a toutefois connu peu de succès), ses quatre nominations au trophée Jack-Adams (qu'il a remporté une fois) et son aptitude démontrée à faire produire de jeunes joueurs, Martin présente des états de service quasi irréprochables.

Est-ce une nomination enthousiasmante ? Franchement, non. Jacques Martin, contrairement à Patrick Roy, par exemple, ne déclenche pas les passions dans le coeur de l'amateur moyen. D'un autre côté, et je le dis en tout respect pour les indéniables qualités de leader de Roy, il n'est pas non plus du genre à faire les manchettes pour de mauvaises raisons.

Comme Bob Gainey l'a souligné hier, Martin est un «enseignant» du hockey. Et c'est sans doute ce type d'homme, calme, pondéré et capable de travailler avec la relève, dont les joueurs du Canadien ont présentement besoin.

Il faisait plaisir d'entendre hier les réflexions de Martin sur l'importance de la communication avec les joueurs, un art auquel Guy Carbonneau a été accusé de ne pas s'adonner avec autant d'empressement qu'il aurait dû. «La communication avec les joueurs est très importante, a dit Martin. Il faut définir leur rôle et communiquer sur une base régulière pour qu'ils comprennent bien les attentes.»

Les qualités de pédagogue de Martin ne seront sûrement pas de trop pour relancer les nombreux joueurs dont les performances ont régressé au cours de la dernière saison, à commencer par les frères Andrei et Sergei Kostitsyn, Chris Higgins et Tomas Plekanec. Sans parler du futur joueur autonome Mike Komisarek, si celui-ci décide de revenir à Montréal.

Le mandat de Martin sera aussi de restaurer l'ordre et la discipline dans un vestiaire souvent trop dissipé l'hiver dernier. «Ce sont des professionnels et ils doivent agir en professionnels», a-t-il dit. Pas sûr qu'il mesure bien l'étendue des tentations qui s'offrent à un joueur du CH à Montréal, mais on lui souhaite quand même bonne chance.

Sur le plan du hockey, rien à redire sur les orientations privilégiées par Martin, qui préconise un style de possession de rondelle semblable à celui des Red Wings de Detroit. Là où je tique, c'est quand Martin vante à tour de bras le noyau du Canadien, comme si celui-ci n'avait rien à envier à celui des meilleures formations de la LNH.

Va falloir que Bob Gainey mette pas mal de chair autour dudit noyau pour que le Canadien puisse rivaliser avec des équipes du calibre des Wings (ou des Penguins de Pittsburgh, des Bruins de Boston, des Blackhawks de Chicago, des Capitals de Washington - j'arrête ici, la liste est longue). Combien de défenseurs du Canadien perceraient la formation des Wings, vous pensez? Deux? Trois, peut-être? Et où sont les Henrik Zetterberg, Pavel Datsyuk, Johan Franzen et Marian Hossa du Canadien? J'irais même plus loin: où sont les soldats de l'ombre comme Darren Helm et Daniel Cleary?

L'arrivée de Martin permet au moins à Bob Gainey de démontrer son sérieux aux joueurs dont il tentera vraisemblablement de renouveler le contrat, comme Komisarek et Alex Tanguay. C'est aussi un signal lancé au marché des joueurs autonomes, dans lequel le Canadien devra probablement chercher quelques ingrédients manquants, le mois prochain.

L'autre bonne nouvelle, c'est que l'incertitude actuelle quant au propriétaire George Gillett - vendra, vendra pas? - n'a pas empêché le Canadien de bouger. Si Bob Gainey a la latitude nécessaire pour embaucher un nouvel entraîneur, il devrait aussi avoir les coudées franches quand viendra le temps de conclure une ou des transactions au cours des prochaines semaines. Et il n'aura pas à se garder une petite gêne sur le marché des joueurs autonomes.

Certains s'imaginent que la vente du Canadien est déjà conclue et que l'embauche de Martin a été approuvée par l'acheteur. Possible, mais peu probable. Même si une entente de principe était déjà intervenue avec un groupe intéressé, on voit mal comment la vente pourrait être finalisée avant quelques mois.

Je pense plutôt que George Gillett est conscient du devoir de fiduciaire qu'il a envers l'institution qu'est le Canadien. Même s'il doit vendre le club pour résoudre ses problèmes de liquidités, il voudra donner à Bob Gainey toute la marge nécessaire pour relancer l'équipe. L'embauche de Jacques Martin est une première étape. Il en reste toutefois plusieurs autres à franchir.