À moins d'un mois de la fin des travaux à la Chambre des communes, la fièvre électorale vient subitement de s'abattre sur le Parti conservateur de Stephen Harper, qui a donné instruction hier à ses organisateurs de passer en mode alerte.

Le lieutenant de M. Harper au Québec, le ministre Christian Paradis, et l'organisatrice en chef, Claude Durand, ont participé hier à des conférences téléphoniques pour demander à toutes les organisations de circonscription de trouver candidat, local électoral et financement au plus vite, en vue d'un déclenchement possible le 23 juin.

 

Les libéraux, qui ont manifesté leur impatience envers le gouvernement cette semaine, pourraient profiter d'une journée de l'opposition pour tenter de renverser les conservateurs.

Ce scénario s'était quelque peu dégonflé dans les dernières semaines, mais les conservateurs, à l'évidence, préfèrent se préparer au pire.

Le Bloc québécois aussi prépare un grand coup préélectoral. Impossible d'en savoir plus pour le moment, mais le leader parlementaire, Pierre Paquette, rencontrera la presse sur la colline, mardi, pour dévoiler la nouvelle offensive.

Au Bloc, des élections au printemps 2010 demeurent le scénario privilégié, mais Gilles Duceppe n'a évidemment aucun pouvoir sur son adversaire libéral. Ce dernier pourrait jouer le tout pour le tout le 23 juin, de peur de voir les conservateurs le bloquer, à l'automne, en n'accordant une journée de l'opposition que très tard en novembre, ce qui signifierait une campagne électorale pendant les Fêtes.

En cas de vote de confiance le 23 juin, le sort du gouvernement reposera donc vraisemblablement sur le chef du NPD, Jack Layton, qui est en difficulté en ce moment dans les sondages.

À Ottawa, les adversaires des libéraux estiment que Michael Ignatieff serait tenté d'y aller plus tôt que tard pour profiter de l'élan détecté dans les sondages. Dans les troupes libérales, toutefois, l'idée d'un scrutin estival est loin de faire l'unanimité.

Une autre raison pousse cependant les libéraux à agir rapidement: au début de l'année prochaine, les conservateurs deviendront majoritaires au Sénat, une perspective extrêmement désagréable pour les rouges, qui perdraient l'avantage numérique pendant des années à la Chambre haute.

On a bien vu cette semaine que les esprits s'échauffent à Ottawa avec, notamment, cette annonce-choc au sujet du déficit anticipé, qui passe de 34 à plus de 50 milliards. Par ailleurs, les trois partis de l'opposition continuent de demander des modifications au régime d'assurance emploi.

Emporté par l'enthousiasme, Michael Ignatieff a même exigé la démission du ministre des Finances, Jim Flaherty.

Drôle de stratégie. Normalement, l'opposition fait ce genre de demande à un gouvernement majoritaire. Si l'opposition n'a plus confiance en ce gouvernement, ce n'est pas la peine d'exiger le renvoi d'un ministre. Elle peut faire encore plus: congédier le gouvernement.

À moins que le chef libéral ne cherche qu'à se faire dire non, question de dénoncer l'intransigeance de Stephen Harper.

M. Ignatieff, qui sera à Montréal jeudi pour une grande activité de financement, veut de toute évidence fouetter ses troupes, les mobiliser.

Les conservateurs pourraient aussi voir un avantage à repartir maintenant en campagne électorale. Ce serait en effet le meilleur moyen de forcer le chef libéral à dévoiler son jeu.

Pour le moment, Michael Ignatieff fait son job de chef de l'opposition officielle et se contente de critiquer le gouvernement mais, dès la première heure d'une campagne, il devra offrir du concret aux Canadiens.

Les conservateurs ont essayé cette semaine de se dépêtrer des chiffres astronomiques du déficit en renvoyant la balle à M. Ignatieff.

Que fera le chef libéral? ont demandé les conservateurs? Haussera-t-il les impôts et les taxes?

La manoeuvre est quelque peu grossière, certes, mais c'est de bonne guerre. La question se pose, en effet: que proposera Ignatieff? Quel est son plan pour retrouver l'équilibre budgétaire?

Dans les années 90, les libéraux de Jean Chrétien avaient éliminé le déficit en réduisant les transferts aux provinces et en sabrant dans l'assurance emploi, notamment. Répéteront-ils cette recette?

Stephen Harper, lui, affirme que son gouvernement a adopté un plan de lutte contre le déficit basé sur la reprise, sur la vente d'actifs et sur une révision des dépenses de l'État. On n'est pas obligé de le croire, mais il pourrait se lancer en campagne électorale en demandant aux Canadiens d'appuyer son plan plutôt que de risquer des augmentations d'impôts avec les libéraux.

Les conservateurs retournent donc le fardeau de la preuve et Michael Ignatieff, un politicien peu expérimenté, pourrait se retrouver sur la défensive en campagne électorale, lui qui a déjà indiqué qu'il pourrait être obligé de hausser les impôts.

Avant de lancer les dés, les quatre partis à Ottawa devront aussi se poser une autre question: à qui profiterait une campagne en juillet? Et le parti qui provoquera la chute du gouvernement en plein été, et en pleine crise de surcroît, risque-t-il d'être puni par l'électorat?

Tout d'un coup, la fin de session s'annonce plus stressante que prévu à Ottawa.

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