On ne sait toujours pas quels sont les plans des partis de l'opposition à Ottawa quant à la survie du gouvernement Harper, mais celui-ci, clairement, prépare le terrain pour l'automne. Quitte à financer ses campagnes publicitaires à même les fonds publics.

Stephen Harper était à Montréal hier soir pour requinquer ses militants et amasser de l'argent en vue de la prochaine bataille électorale. Le moral des troupes n'est pas au plus haut ces temps-ci chez les conservateurs, mais le fonds de guerre, par contre, déborde.

 

En plus des millions accumulés auprès de sa base militante pour ses activités partisanes, le gouvernement conservateur pourra aussi profiter d'une campagne publicitaire de 9 millions en fonds publics vantant son plan de relance économique dévoilé dans le budget de janvier dernier. Comme par hasard, l'offensive publicitaire des conservateurs s'étalera de septembre à mars, soit exactement pendant la période électorale la plus plausible.

Le Plan d'action économique du gouvernement Harper est pourtant connu depuis janvier et il avait été présenté comme un électrochoc d'urgence pour une économie en détresse. Ce n'est que quatre mois après le dépôt du budget, soit début mai, que le ministère des Finances a finalement lancé un appel d'offres pour l'élaboration d'une campagne publicitaire grand public qui ne verra vraisemblablement pas le jour avant septembre. Juste à temps pour la rentrée parlementaire qui s'annonce mouvementée et qui pourrait culminer par le renversement du gouvernement Harper.

Si les mesures budgétaires annoncées par le ministre Jim Flaherty pour affronter la crise économique étaient si urgentes, pourquoi attendre plus de huit mois, jusqu'en septembre, pour les faire connaître aux Canadiens.

Les gouvernements font toujours de la publicité pour «vendre» leur budget, mais habituellement, ces publicités sont lancées dans les jours suivant le dépôt dudit budget, pas huit mois plus tard. À plus forte raison quand la situation économique commande des actions immédiates.

En situation de gouvernement minoritaire, ce genre de manoeuvre prend clairement une saveur électorale, surtout que le gouvernement Harper prévoit un véritable bombardement médiatique pour vanter les mesures de relance et d'aide de son Plan d'action économique.

Le contrat pour cette campagne publicitaire n'est pas encore accordé, mais le but de l'opération est on ne peut plus clair. Dans l'appel d'offres public, on a imposé les «Messages clés».

- Le gouvernement du Canada dispose d'un plan détaillé - le Plan d'action économique du Canada - pour stimuler notre économie, rétablir la confiance durant le ralentissement économique mondial et investir afin de renforcer les fondements de notre croissance économique à long terme.

- Grâce à ce plan de stimulation économique, le Canada disposera, lorsque la récession mondiale se dissipera, d'une infrastructure améliorée, d'une population active plus compétente, d'impôts plus bas et d'une économie plus concurrentielle.

Pour l'année 2009-2010 (jusqu'en mars), c'est 9 millions. Pour 2010-2011, le montant n'est pas précisé. Comme il s'agit de publicités gouvernementales, et non partisanes, elles pourront être diffusées même en période électorale, sans être comptabilisées (et payées) par le Parti conservateur.

Les conservateurs déchiraient leur chemise pour moins que cela quand les libéraux étaient au pouvoir, notamment quand Paul Martin, chef de gouvernement minoritaire, multipliait les déplacements en avion aux frais des contribuables.

Le plus ironique, c'est que le gouvernement Harper sollicite des agences pour sa campagne publicitaire, une pratique maintes fois décriée par les conservateurs quand ils étaient dans l'opposition.

Pendant que les conservateurs se préparent activement à la guerre, le chef libéral, Michael Ignatieff, lui, envoie des signaux contradictoires à ses troupes. Au cours des derniers jours, plusieurs membres de son entourage ont avoué avoir du mal à suivre le plan de match de leur chef. C'est comme si les libéraux n'avaient rien prévu pour l'après-congrès de Vancouver (il y a deux semaines).

Tout ce qui semble préoccuper les libéraux ces temps-ci, c'est le discours de Michael Ignatieff à Montréal, le 4 juin, au cours duquel ils espèrent amasser autour de 500 000$.

Le hic, c'est qu'il reste un gros mois de travaux aux Communes et que les conservateurs, eux, n'ont pas ralenti le rythme.

Un exemple parmi d'autres: hier, le leader parlementaire des libéraux et ex-ministre des Finances, Ralph Goodale, a prononcé devant l'Economic Club de Toronto un discours intitulé Les Canadiens d'abord: le plan de Michael Ignatieff pour faire fonctionner le Parlement en temps de récession.

Difficile, quand on tient de tels propos, de préparer en même temps le renversement du gouvernement.

Pendant ce temps, Stephen Harper multiplie les apparitions préélectorales.

Critiqué pour avoir coupé les vivres aux chercheurs dans le dernier budget, le premier ministre s'est rendu cette semaine au... Laboratoire national de microbiologie du Canada, à Winnipeg.

À défaut d'être subtil, le premier ministre s'assure d'une belle visibilité.

vincent.marissal@lapresse.ca