Permettez que je revienne sur la fin de saison du Canadien. D'abord sur cette hâtive conférence de presse où il ne s'est rien dit, sauf quand Bob Gainey a mis une partie des déboires de son équipe sur le dos du... Lightning de Tampa Bay! L'extraordinaire, c'est que personne n'a éclaté de rire, ni rien.

Et les blessures bien sûr. Presque tout serait la faute des blessures.

L'histoire de cette série serait l'histoire d'une équipe en santé qui affrontait des éclopés. Moi je dis que c'est surtout l'histoire d'une équipe inspirée qui en affrontait une qui ne l'était pas du tout. Pourquoi le Canadien était-il si peu inspiré? Là-dessus, allez lire les commentaires de mes collègues des sports qui vont tous dans le même sens: les affaires qui ont miné la saison, les clans qui divisent cette équipe, des joueurs autonomes qui étaient peut-être plus préoccupés de leur prochaine destination que de la présente fin de saison, etc.

J'ajouterais une autre raison que n'approuveront pas mes collègues: Carey Price. Il a été mauvais. Pas très mauvais. Un peu mauvais. Dany Dubé, sans doute un des plus fins analystes de la scène de hockey chez nous, voit en Carey Price un gardien d'avenir, un gardien d'exception, un très grand talent, opinion visiblement partagée par Bob Gainey... et par Carey Price lui-même.

J'ai détesté la surréaliste apparition du jeune gardien à cette conférence de presse. Sa mâchée de gomme. Sa casquette sur les yeux, ses lunettes fumées. S'il ne voulait pas qu'on le voie, il n'avait qu'à pas venir. J'avais trouvé amusant qu'il réplique à la foule, j'ai trouvé lamentables ses demi-excuses mâchouillées dédaigneusement. Il se prend déjà pour Barry Bonds, ce petit con?

Je vous entends: il n'a que 21 ans. Le même Dany Dubé nous a même arraché une larme en ajoutant: c'est un enfant. L'enfant nous a dit qu'il allait trouver l'été bien long: «franchement je ne sais pas ce que vais faire de mon été!» Pauvre petit bonhomme. What about a trip autour du monde pour voir un peu le monde... La Chine, l'Inde, le Moyen-Orient, l'Afrique. Tu vois le garçon là-bas avec une lumière sur le devant de son casque? Il s'apprête à descendre dans la mine. Il y travaille depuis deux ans. Il a 16 ans. Lui c'est un enfant, lui.

Je ne retire rien de ce que j'ai déjà dit ici de Bob Gainey. Je continue d'apprécier l'homme, sa rugueuse sobriété, son humour, mais je comprends tout à coup ce qui l'a amené à se séparer de Guy Carbonneau. Leur point de rupture, le point sur lequel ils devaient s'engueuler sans arrêt, je suis sûr que ce n'était pas sur le plan de match qu'ils s'engueulaient: c'était sur la façon d'être avec les joueurs.

Arrête de les baver, devait dire Gainey.

Qu'ils mangent d'la marde, devait répondre Carbo. Devaient s'engueuler aussi sur Price. Carbo y serait allé avec Halak.

Finalement, ils se sont formidablement plantés tous les deux.

Une bien triste histoire.

VACANCES - Quand t'es vieux, tu peux prendre des vacances si tu veux, mais tu ne pourras pas empêcher les gens de penser que c'est parce que t'es malade. Qu'est-ce que vous avez, M. Foglia?

OK, je vais vous le dire, mais chut... J'ai le bohu-bohu. C'est une dent qui me pousse dans le cul, il a fallu que je change ma selle de vélo, j'ai maintenant une selle avec un trou au milieu: autrement je ne pourrais pas m'asseoir. Va savoir, j'ai peut-être bien aussi, en route, trois ou quatre cancers, je vous en reparlerai quand j'irai voir mon médecin, mais ce n'est pas demain. Il est malade, mon médecin. Il a la scarlatine. Il l'a attrapée d'un patient.

Le patient en question avait le cancer du poumon avec des métastases au foie. Le médecin, mon médecin, lui donnait trois mois, paf le patient attrape la scarlatine! C'est elle qui l'a tué en une semaine. Il est mort avec plein de petits boutons partout. Peut-être que mon médecin va mourir aussi.

La grippe porcine, dites-vous?

Quand t'es vieux, tu peux prendre des vacances si tu veux. Quand t'es jeune aussi. Mais sachez-le, la mort n'en prend jamais. Tadam.

PREMIÈRE LONGUE SORTIE - De chez moi tous les chemins ou presque mènent à Burlington. Croiriez-vous qu'après toutes ces années il en est encore (des chemins) que je n'ai pas pédalés? Celui du bord du lac, tiens. Pas celui des îles au milieu du lac Champlain que je trouve sans intérêt - bien entendu, c'est celui que vous préférez - mais celui qui, côté Vermont, longe la rive sur près de 40 kilomètres avant de devenir en terre battue pour aller se perdre dans des collines oubliées du progrès où les vaches n'ont jamais vu de cycliste, je le jurerais à leur effarement. Ou peut-être est-ce mon accoutrement? Mes varices? Mon allure générale de monstre préhistorique à pédales?

Après quelques kilomètres de purgatoire, on reconnecte avec le lac Champlain à Malletts Bay, où, à quelques palmiers près, on pourrait se croire au bord d'un lac italien. Les Adirondacks, en face, valent bien les Apennins. Il y avait un parc désert avec un banc, j'y ai lu quelques pages d'un livre minuscule d'Antonio Tabucchi - c'est la condition absolue que je pose aux livres pour les mettre dans ma sacoche de vélo: d'être minuscules.

De Malletts Bay la piste cyclable m'a déposé au Waterfront juste comme arrivait le ferry de Port Kent, en face, dans l'État de New York.

Première soirée de printemps à Burlington, une des villes les plus agréables à vivre en Amérique. Je ne lance pas ça comme ça, j'en ai la preuve: l'unique McDo a fermé faute de clients. Rue Church, les gens ont dîné fort tard aux terrasses, une jeune femme blonde jouait de l'accordéon, il était écrit «merci» en français dans son chapeau où j'ai jeté un billet.

Je suis rentré le lendemain par un autre chemin magnifique, mais beaucoup trop long et montagneux pour un vieux monsieur qui a le bohu-bohu.