Peut-on juger d'une présidence en 100 jours?

On commence seulement à concevoir les grands chambardements qui s'annoncent depuis que Barack Obama tient la barre des États-Unis. En ce sens, tout jugement est hâtif.

En même temps, Barack Obama a déjà tant promis. On ne peut qu'être frappé par le sentiment d'urgence qui anime le 44e président des États-Unis, alors que le pays traverse sa pire récession depuis la crise économique de 1929, tout en menant deux guerres de front. Ainsi, les historiens comparent déjà Barack Obama à Lyndon Johnson et à Franklin Roosevelt, deux présidents qui ont réinventé le pays.

 

Ce qui étonne chez Barack Obama, ce ne sont pas ses promesses en santé, en éducation, en environnement, etc. Elles collent aux ambitions traditionnelles des démocrates, qui rêvent de les accomplir depuis des années. Ce qui frappe, c'est qu'il pilote tous les dossiers de front, avec détermination et aplomb.

Barack Obama a obtenu des succès rapides en politique internationale, en annonçant la fermeture de la prison de Guantánamo, en tendant la main à l'Iran, en s'ouvrant à Cuba. Mais en économie, sa volonté de réparer le système financier et de sauver Detroit s'est heurtée à des difficultés d'une complexité insoupçonnée. La Maison-Blanche a sous-estimé l'ampleur de la tâche.

Dans ces deux dossiers qui accaparent son attention, Barack Obama a évité le piège de la déresponsabilisation. Qu'il aurait été facile de créer une banque-dépotoir pour racheter les actifs qui encombrent les bilans des banques, comme les hypothèques à haut risque. C'est ce que Wall Street souhaitait.

Qu'il aurait été facile de se porter au secours de General Motors et de Chrysler, en renflouant ces constructeurs jusqu'à la prochaine crise. C'est ce que les travailleurs syndiqués, la base traditionnelle des démocrates, espéraient.

Mais dans les deux cas, cela aurait équivalu à récompenser les cow-boys de la haute finance et les dirigeants aveugles des constructeurs automobiles. Avec l'argent des contribuables, ce qui est répugnant.

Barack Obama a eu le courage de dire qu'il faudra peut-être passer par une restructuration judiciaire pour relancer GM ou Chrysler, les deux constructeurs les plus mal en point. Avoir recours à la loi sur la faillite, qui est la façon la plus rapide de remodeler les géants de Detroit, version petite cylindrée, ce n'est pas la fin du monde, a expliqué Barack Obama en préparant le terrain.

Le président n'a toutefois pas été aussi franc en ce qui concerne le système financier. Le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, avait implicitement écarté la nationalisation des banques, fin janvier. Mais c'est ce qui va arriver à certaines institutions financières, par la porte d'en arrière.

Hier, le gouvernement a informé confidentiellement les PDG des grandes institutions renflouées de leurs résultats préliminaires au fameux «stress test». Les banques et assureurs qui sont trop fragiles pour tenir le coup jusqu'à ce que la reprise se matérialise devront trouver un moyen de se recapitaliser, et vite. Dans les conditions de marché actuelles, cela tient de l'exploit.

Il ne reste plus qu'une centaine de milliards de dollars dans le programme d'aide à l'industrie financière (TARP). Reconnaissant que le Congrès n'allongera pas un cent de plus à Wall Street, après le scandale des primes versées aux cadres de l'assureur AIG, l'administration Obama devra se débrouiller avec cela.

Dans l'éventualité, très probable, que cet argent s'épuise, le gouvernement pourra renflouer les institutions en difficulté en convertissant ses actions privilégiées en actions ordinaires. Ainsi, les actionnaires actuels devront se tasser pour faire la place à l'Oncle Sam, le nouveau patron.

Si les principes qui guident l'administration Obama sont les bons, l'exécution, elle, a laissé à désirer au cours de ces trois premiers mois. Ainsi, il est étonnant de voir à quel point la Maison-Blanche intervient dans la gestion des entreprises renflouées, avec des résultats mitigés.

Dans le secteur automobile, c'est patent. Après avoir remercié le grand patron de General Motors, Rick Wagoner, après avoir pris à son compte les garanties des constructeurs automobiles, le président Obama a les mains pleines de cambouis.

Ainsi, c'est le gouvernement qui négocie directement avec les créanciers de Chrysler, pour qu'ils troquent leurs dettes de 6,9 milliards de dollars contre un maigre 1,5 milliard et une participation de 5% dans la nouvelle Chrysler. Or, les plus grands créanciers du constructeur, JPMorgan Chase, Citigroup, Morgan Stanley et Goldman Sachs, font justement partie des institutions financières auxquelles le gouvernement vient en aide, ce qui est parfaitement contre-productif.

Ce degré d'interventionnisme fait sourciller aux États-Unis. Un chroniqueur du Wall Street Journal a caricaturé le président cette semaine, en le surnommant le roi Barack le Bon, une critique décapante qui surprend compte tenu de l'immense popularité dont jouit encore Barack Obama.

Holman Jenkins Jr. déplore que le jugement d'affaires du président soit obscurci par des considérations environnementales. Les émissaires de Barack Obama ont laissé savoir aux dirigeants de GM qu'il vaudrait mieux discontinuer la marque GMC, sans toutefois remettre en question la Chevy Volt. Les gros GMC sont les véhicules les plus rentables de GM, alors que la verte Volt s'annonce comme un «trou noir financier», même les experts du gouvernement en conviennent.

Ces errements alimentent les craintes de ceux qui doutent de la capacité du président Obama à contenir les dépenses du gouvernement tout en réformant le système de santé aux États-Unis. Tous les nouveaux programmes devront être payés à même des réductions de dépenses, a promis Barack Obama en esquissant son budget le 26 février.

Barack Obama s'est ainsi engagé à ce que le déficit budgétaire retombe à 3% du produit intérieur brut en 2013, alors qu'il se situera à 12,3% en 2009!

Y parviendra-t-il? Son succès ou son échec teintera le jugement que le monde portera sur la présidence de Barack Obama.